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d'une veste de brocard de soie et d'or de la Chine, bordée de peaux noires ; les bottes étaient de satin, il était couvert d'un bonnet de fourrure, d'une espèce de renard blanc un peu cendré. Il parla fort peu durant cette visite, et ne mangea presque rien de la collation qu'on lui servit, mais ses gens donnèrent dessus à merveille, et se gardèrent bien de rien laisser ; ils remplirent des restes une espèce de grande bourse, qu'ils portent toujours pendue à leur ceinture. Les officiers de ce han parlèrent avec nos ambassadeurs des affaires de leur empire, ils en déplorèrent le misérable état, et s'étendirent sur les malheurs des deux empereurs de cette famille, qui ont été chassés de leurs terres par le prince d'Eluth, et obligés de chercher un asile jusque sur les terres de l'empereur de la Chine, abandonnés presque de tous leurs sujets, après avoir perdu leurs troupeaux, qui sont toutes leurs richesses. Les taikis qui étaient leurs vassaux se sont aussi débandés ; les uns se sont faits vassaux des Moscovites, les autres de l'empereur de la Chine, de sorte que ces deux empereurs dépouillés par un prince tartare, dont l'armée n'était que de sept à huit mille chevaux, à ce qu'on m'a assuré, ont été forcés pareillement de se faire tributaires de la Chine. Le troisième qui était le père de celui qui vint visiter nos ambassadeurs, et qui tenait sa chétive cour à 70 ou 80 lieues au-dessus de l'endroit où nous avions passé la rivière de Kerlon, le long de cette rivière là même du côté de l'occident, n'eut pas plutôt appris la déroute des deux autres han de sa maison, qu'il s'enfuit vers l'orient, et se vint réfugier à une journée ou deux du chemin de l'endroit où nous étions campés ; il envoya en même temps de ses gens à l'empereur de la Chine, pour implorer sa protection, et se faire son vassal ; mais étant mort peu de temps après, son fils envoya aussitôt à Peking en donner avis à l'empereur, et demander l'investiture de la dignité d'empereur que son père avait. Cette grâce lui fut accordée sans peine. Sa Majesté Chinoise envoya au mois de février dernier ce même Ou laoyé, second président du Tribunal des affaires étrangères, pour lui donner l'investiture ; au reste cet empereur est réduit à une telle indigence, que n'ayant que peu de chose à offrir à nos ambassadeurs, il n'eut pas honte de leur présenter à chacun un chameau, un cheval, et un bœuf, qu'ils ne voulurent pas accepter, et cinquante moutons pour les soldats, ce qui ne suffisait pas même pour un repas ; il pria nos ambassadeurs d'employer leur crédit auprès de l'empereur leur maître, et de l'engager à ménager leur paix, tant avec les Moscovites, qu'avec le roi d'Eluth, afin qu'il pût un peu rétablir ses affaires, qui n'étaient pas en fort bon état. Nos ambassadeurs lui promirent d'en parler à leur empereur ; mais ils l'exhortèrent ensuite lui et ses gens à établir quelque ordre parmi eux ; car il n'y a ni punition, ni récompense ; chacun vit à sa mode, sans vouloir s'assujettir à aucune loi ; les plus forts oppriment les plus faibles, tous volent impunément où ils peuvent, et ne gardent parole à personne ; il n’est pas possible, lui dirent-ils, que vous ne vous détruisiez les uns les autres,