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rendus maîtres de cet empire, tous les autres Tartares qui habitent ce pays-là, leur payaient aussi le tribut ; mais les Moscovites ne manquèrent pas de réfuter les raisons qu'ils apportaient, pour prouver que ces terres leur appartenaient de droit plutôt qu'aux Moscovites. Enfin comme il était presque nuit lorsque cette contestation s'éleva, et que l'un et l'autre parti se défendait de faire d'autres propositions, chacun voulant laisser faire les avances à son compétiteur, la première conférence finit, et après avoir conclu qu'on en commencerait une autre le lendemain, et qu'elle se ferait de la même manière que la première, les ambassadeurs se donnèrent mutuellement la main, se firent compliment, et se séparèrent fort contents les uns des autres. Le temps fut fort serein et fort chaud tout le jour. Le 23 le plénipotentiaire moscovite envoya demander des nouvelles de la santé de nos ambassadeurs, et les fit inviter de venir à la seconde conférence ; nous y allâmes aussitôt, et après que chacun eut pris sa place dans le même ordre que le jour précédent, on fut encore assez longtemps à se prier l'un l'autre de parler le premier, et de faire les propositions. Les Moscovites dirent que puisque nos ambassadeurs redemandaient des terres qu'ils prétendaient leur appartenir, c'était à eux à marquer quelles étaient ces terres, qu'au reste leur première proposition n'était pas recevable. Nos ambassadeurs assignèrent d'autres bornes, et se réduisirent à demander que les Moscovites ne passassent pas Niptchou, ajoutant qu'ils leur laissaient cette place, pour pouvoir de là venir trafiquer à la Chine. Les Moscovites bien loin de consentir à une pareille proposition, répondirent en riant, qu'ils étaient fort obligés à nos ambassadeurs de ce qu'ils voulaient bien ne les pas chasser de cette place, et les y laisser dormir en repos ; ils leur dirent ensuite de faire quelqu'autre proposition plus raisonnable, et à laquelle ils pussent donner les mains ; mais nos ambassadeurs persistèrent dans leur demande, et les Moscovites s'étant obstinés de leur côté à ne rien offrir, la conférence se termina plus froidement que la précédente. Nos ambassadeurs piqués de la raillerie des Moscovites, envoyèrent chercher leurs tentes, comme ne voulant plus rentrer en conférence avec des gens dont ils se croyaient maltraités, et desquels ils espéraient peu de satisfaction. Le temps fut pluvieux presque tout le jour. Le 24 tout le jour se passa en délibération ; nous sûmes que nos ambassadeurs avaient fait la proposition d'abandonner Selengha et Niptchou aux Moscovites, et qu'ils s'étaient servis pour cela d'un interprète mongou, paraissant ne se pas fier entièrement à nous, peut-être parce que le plénipotentiaire de Moscovie nous marquait de la confiance, et qu'il avait peine à se servir d'un interprète mongou, quoiqu'il en eût deux avec lui, ou plutôt comme nos ambassadeurs entendaient et parlaient la plupart la langue mongole, ils aimaient bien mieux s'expliquer par eux-mêmes.