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Ces Yu pi ta se se servent ordinairement de dard pour prendre les grands poissons, et de filets pour prendre les autres. Leurs barques sont petites, et leurs esquifs ne sont faits que d’écorce d’arbre si bien cousue, que l’eau ne peut y entrer. Leur langue paraît mêlée partie de celle des Mantcheoux qui sont leurs voisins à l’ouest, et au sud, et partie de celle des Ke tcheng ta tse, qu’ils ont au nord, et à l’est : car les chefs des villages, qui sans doute n’étaient pas sortis loin de leur district, entendaient en gros ce que disaient les uns et les autres.

On ne doit pas donner à ces chefs le nom de mandarins, puisqu’ils n’en ont ni le pouvoir, ni les marques, et que d’ailleurs ils sont si peu considérables, que ce serait en donner de fausses idées à ceux qui ont vu le train du moindre mandarin de la Chine : aussi nous n’avons jamais entendu, ni Tartare, ni Chinois donner à ce pays le nom de royaume, dont quelques écrivains l’ont honoré.

Il faut dire la même chose du pays de Ke tcheng ta tse, quoiqu’il s’étende depuis Tondon, dont nous avons parlé, jusqu’à l’océan, suivant le cours de fleuve Saghalien ou la : car dans un si long espace, qui est presque de cent cinquante lieues, on ne trouve que des villages médiocres, placés presque tous sur l’un et l’autre bord de ce grand fleuve. Leur langue est différente de celle des Mantcheoux, qui la nomment Fiatta : cette langue fiatta est aussi celle apparemment des Tartares, qui sont depuis l’embouchure du Saghalien ou la, jusqu’au 55e parallèle, qui sert ici de limites septentrionales à la Tartarie orientale soumise à l’empereur. Ils ne se font point raser la tête suivant la coutume présente de l’empire : ils ont les cheveux attachés par un nœud d’une espèce de ruban, ou par une bourse derrière la tête. Ils nous parurent plus ingénieux que les Yu pi ta se : ils répondaient clairement aux questions que nous leurs faisions sur la géographie de leur pays, et ils étaient attentifs à nos opérations.

Comme nous leur eûmes témoigné que nous resterions volontiers parmi eux, pour leur enseigner la véritable doctrine, qui seule pouvait les rendre heureux : ils nous firent réponse qu’ils n’osaient pas espérer une telle grâce, mais que si quelqu’un de nous voulait bien venir les instruire, toute leur nation le regarderait comme un homme descendu du ciel.

Ils nous apprirent les premiers, ce que nous ne savions pas, qu’il y avait vis-à-vis l’embouchure du Saghalien ou la une grande île habitée par des gens semblables à eux. Dans la suite l’empereur y a envoyé des Mantcheoux, qui y ont passé sur les barques de ces Ke tcheng ta tse lesquels demeurent au bord de la mer, et ont commercé avec les habitants de la partie occidentale de l’île.

Si ces messieurs avaient également mesuré en parcourant la partie australe, comme ils ont fait en allant vers l’orient, et revenant par le septentrion au lieu d’où ils étaient partis, on aurait une parfaite connaissance de cette île ; mais ils ne nous ont apporté ni les noms des villages, ni les mesures du côté du midi : ainsi nous n’avons tracé la partie australe que sur les rapports de