Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/217

Cette page n’a pas encore été corrigée

a, dit-on, environ mille hommes qui sont ses sujets, ou plutôt ses esclaves, lesquels étaient campés aux environs de notre camp ; ils sont extrêmement pauvres, et mènent une des plus misérables vies qu'on puisse imaginer ; pendant l'été ils vivent du laitage de leurs bestiaux, chameaux, chevaux, vaches, brebis, et chèvres ; ils y mêlent un peu de méchant thé qu'on leur apporte de la Chine, et que l'on échange avec leurs bestiaux. Pendant l'hiver, que les bestiaux n'ont point de lait, ils ne vivent presque que de ce méchant thé, dont ils prennent environ deux petites écuellées par jour, à quoi ils ajoutent un petit morceau de chair environ de la grosseur d'un œuf ; cette chair est d'ordinaire desséchée au soleil ou au feu ; toute sorte de chair leur est bonne de quelque animal que ce soit, sauvage ou domestique ; ils font aussi avec du lait aigre une espèce d'eau-de-vie qui est extrêmement forte, et de très mauvais goût, dont les princes tartares, et ceux qui sont les plus riches, et les plus considérables parmi eux, font leurs délices, s'enivrant perpétuellement. Ils ont une veste longue, la plupart de toile, laquelle en hiver est fourrée de peaux de mouton, ou de quelque autre animal, et souvent ils ne sont couverts que d'une veste purement de peau, soit en été, soit en hiver ; avec cela ils mènent une vie extrêmement fainéante ; car toute l'année ils ne font rien que nourrir leurs troupeaux, dont ils ont fort peu de soin ; ils les laissent jour et nuit paître dans la campagne. En automne ils vont quelquefois à la chasse des chèvres jaunes dans les campagnes découvertes, ou d'autres animaux dans les bois ; tout le reste du temps ils le passent dans leurs misérables tentes, et vivent dans une continuelle oisiveté, sans jeu, sans livre, et sans autre occupation que celle de boire de leur eau-de-vie, quand ils en ont, et de dormir. Le temps fut fort inconstant tout le jour ; tantôt il fut pluvieux, et tantôt serein ; nous sûmes que le tonnerre était tombé la veille en ce lieu là, il y avait tué un homme et deux bœufs. Le 10 nous séjournâmes ; la plupart des officiers de la suite ayant prié les ambassadeurs de leur accorder ce jour-là pour se pourvoir de bœufs et de moutons, et pour changer ceux de leurs chameaux et de leurs chevaux qui étaient fatigués, avec d'autres plus frais, en vendant aux Tartares quelques pièces de soie, du thé, ou du tabac. Nos ambassadeurs résolurent aussi de laisser leurs chevaux et leurs chameaux, qui étaient le moins en état de servir pour s'engraisser en ce lieu-là, où il y a de bonne eau et de bons fourrages en quantité, afin qu'ils pussent être de meilleur service au retour. Le temps fut presque tout le jour serein, avec un vent de sud, et de sud-ouest qui se tint assez frais. Le 11 nous fîmes 51 lys droit au nord dans un pays fort uni, et fort commode pour la marche ; il y a partout du fourrage, qui à la vérité n’est pas des meilleurs, à cause de la sécheresse qui a régné cette année dans cette partie de la Tartarie, de même que dans les provinces septentrionales de la