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du fleuve nommé Tou men oula, qui d’un côté n’avait que des bois, et des bêtes sauvages, et qui nous offrait de l’autre tout ce que l’art et le travail produisent dans les royaumes les mieux cultivés. Nous y voyions des villes entourées de leurs murailles ; et en plaçant nos instruments sur des hauteurs voisines, nous déterminâmes géométriquement la situation des quatre qui ferment la Corée au septentrion ; mais comme les Coréens qui étaient au-delà du fleuve n’entendaient ni les Tartares, ni les Chinois qui étaient avec nous, nous ne pûmes savoir le nom de ces villes, que quand nous fûmes arrivés à Hon tchun où sont les interprètes, dont les Tartares se servent dans le commerce continuel, qu’ils ont avec les Coréens.

On a mis sur la carte les noms des villes, tels qu’ils se trouvent sur la carte de l’empereur, où ils sont en chinois, car ce royaume depuis un temps immémorial dépend de l’empire chinois, dont les Coréens ont pris les habits, qu’ils portent encore aujourd’hui, et dont le consentement est nécessaire pour que le prince héritier puisse prendre la qualité de roi.

Le Tou men oula, qui les divise des Tartares, se jette dans l’océan Oriental à dix lieues de Hon tchun. Comme ce point était important, nous fîmes tirer une base de quarante-trois lys chinois, jusqu’à une haute colline, qui est presqu’au bord de la mer, d’où l’on pouvait voir deux des villes, que nous avions déjà fixées par les observations précédentes, et d’où l’on distinguait l’embouchure du Tou men oula : ainsi on peut s’assurer d’avoir dans notre carte les limites justes du royaume de Corée, du côte de la Tartarie ; et si nous y fussions entrés, comme on le proposa à l’empereur, qui ne le jugea pas à propos, il n’y aurait plus rien à souhaiter sur la géographie.

Ce que nous avons ajouté sur l’orient et sur le dedans du royaume, nous l’avons établi sur les mesures que l’empereur fit prendre l’année suivante par un de ses envoyés suivi d’un mandarin du Tribunal des mathématiques, qui prit hauteur dans la capitale nommée Chao sien, ou King ki tao et sur les cartes des Coréens, qui nous furent communiquées.

Ainsi nous ne saurions répondre de la justesse de la position des villes orientales, ni de plusieurs qui sont au midi : mais après tout la carte que nous en donnons, sera incomparablement meilleure, que celles qui ont paru jusques-ici, lesquelles n’ont été faites que sur des rapports incertains, ou sur des traductions de quelques géographes chinois, qui certainement n’ont pas même vu les limites du royaume : encore moins ont-ils pris l’instrument à la main pour en fixer quelques points, ce qui est cependant absolument nécessaire : car la géographie est une science laborieuse, les spéculations du cabinet ne suffisent point, et elle ne peut se perfectionner que par des ouvrages, et des observations pénibles, dont l’indolence des docteurs chinois ne s’accommode point. Ils appellent la Corée, Kaoli koue [1] : les Mantcheoux la nomment Solgon, Kouron. Le nom Tou men oula, qui est commun dans l’usage, est un nom mantcheou, qui répond à l’exposition chinoise Van li kiang, c’est-à-dire, fleuve de dix mille lys ou stades chinois, ce

  1. Kone en chinois et Kouren en mantcheou signifient Royaume.