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au moins lui vis-je lire très aisément des mots français. La plupart des gens de sa suite savaient la langue mongole, surtout, un de ses valets la parlait fort bien, et entendait quelques mots de latin. Lorsque nous le conduisions à la porte, il voulut faire un présent à notre église de deux ou trois peaux de zibeline, et d'environ vingt-cinq ou trente écus, mais nous nous excusâmes d'accepter ce présent. Le père Pereira alla ensuite au palais, ainsi qu'il en avait eu ordre, pour rendre compte de ce qui s'était passé dans cette entrevue avec les Moscovites ; l'empereur témoigna être satisfait de la manière dont nous en avions usé, et permit que les pères Suarez et Bouvet allassent leur rendre la visite qu'ils nous avaient faite, si ces Pères le voulaient bien. Mais Sa Majesté dit positivement qu'il ne fallait pas que nous y allassions le père Pereira ni moi. Le même jour après midi, l'empereur envoya Tchao laoyé chez nous ; il que fit différentes questions sur diverses choses d'Europe, et particulièrement sur les Hollandais ; il nous demanda ensuite de quoi particulièrement les Européens reprenaient les Chinois ; nous lui répondîmes qu'ils passaient en Europe pour des gens d'esprit, mais en même temps fort mous, et fort habiles à tromper dans le commerce ; puis ayant demandé quel sentiment nous avions des Mantcheoux, je pris occasion de lui dire l'estime que j'avais ouï faire à la cour de France des grandes qualités de l'empereur, et de la sagesse avec laquelle il gouverne son empire, et surtout du soin qu'il a d'endurcir ses sujets à la fatigue, et de leur en donner l'exemple lui-même. Tchao laoyé parut prendre assez de plaisir à cet entretien, il reçut volontiers quelques petites peintures faites sur du talc, que le père Bouvet lui donna. Le même jour sur le soir les pères Suarez et Bouvet allèrent au nom de nous tous rendre visite à l'envoyé, qui les reçut aussi avec toute sorte de civilité. Quand les Pères furent de retour, on lui envoya un présent de quelques pièces de soie, de vin, et de raisin : il refusa les pièces de soie, et il n'accepta le vin qu'avec peine ; il donna à chacun des deux valets qui le portaient, une peau de martre zibeline. Le 8 les pères Pereira et Thomas furent appelés au Tribunal des colao, pour y traduire une lettre que les deux chefs de l'ambassade, destinés à aller traiter de la paix, avaient été obligés d'écrire aux plénipotentiaires de Moscovie, parce que cet envoyé qui était venu de leur part, avait déclaré qu'il ne pouvait s'en retourner sans porter une lettre de Peking pour ses maîtres ; cette lettre que les Pères traduisirent, ne portait autre chose, sinon, que Sa Majesté avait déterminé Niptchou pour y tenir les conférences de la paix, et qu'eux partiraient le 13 de ce mois, pour s'y rendre en diligence, ainsi que Sa Majesté leur en avait déjà fait donner avis, par la lettre que les ministres leur avaient écrite. Le 10 nous allâmes au palais le père Pereira, le père Thomas, le père Bouvet, et moi, et nous fûmes admis à l'audience de l'empereur, dans le lieu le plus intérieur de son palais. Sa Majesté nous fit approcher de sa personne, et