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après l'avoir congédié, Sa Majesté demanda aux Pères s'ils jugeaient qu'il eut parlé juste. Le père de Fontaney rapporte une autre aventure dont il fut témoin, et où l'empereur fît paraître son discernement et sa pénétration. Un Chinois s'était jeté à corps perdu dans le canal, et s'avançant à la nage vers la barque impériale, avec un placet au cou qu'il voulait présenter à Sa Majesté, il se mit à crier de toutes ses forces, demandant justice à l'empereur contre un de ses ennemis, et exagérant en termes très vifs le tort qu'il lui avait fait. Enfin il conclut par dire que son ennemi était le premier homme du monde en fait de méchanceté. L'empereur qui riait en lui-même de voir que la passion emportait ce malheureux jusqu'à lui fermer les yeux sur le danger auquel il s'exposait en présence de toute la cour, chargea un de ses gens de lui demander s'il ne connaissait pas aussi celui qui était le second du monde le plus méchant. Le 27 nous nous rendîmes à la maison de plaisance de l'empereur, nommée Tchang tchun yuen, pour nous informer de sa santé ; Tchao laoyé nous insinua qu'il serait bon que nous nous offrissions de nous-mêmes, pour faire encore cette année le voyage de Tartarie, et terminer enfin le différend qui est entre cet empire et les Moscovites. Aussitôt nous priâmes Tchao laoyé de vouloir bien dire à Sa Majesté, que comme nous ne nous sentions pas fort capables de lui rendre service en cette sorte d'affaire, nous n'avions osé jusqu'à présent lui demander les ordres ; mais qu'ayant appris que Sa Majesté renvoyait les mêmes ambassadeurs qu'elle avait dépêchés l'année précédente, nous les accompagnerions volontiers, si elle jugeait que notre service pût être de quelque utilité au bien de l'empire. Tchao laoyé porta cette parole à l'empereur, qui nous envoya ordre au père Pereira et à moi de faire une seconde fois ce voyage. Le 23 de mai il arriva en cette cour un envoyé des plénipotentiaires de Moscovie, qui étaient à Selengha. La lettre qu'il apporta, était adressée aux ministres de l'empereur. Elle contenait en substance, que Sa Majesté nommât un lieu sur les frontières des deux empires, pour y tenir les conférences de la paix ; qu'elle y envoyât ses députés, et qu'elle fit savoir le temps auquel ils s'y rendraient, afin qu'eux de leur côté s'y rendirent pareillement, avec une suite égale à celle que mèneraient les députés de Sa Majesté chinoise. Il demandait aussi que les conférences de la paix se fissent selon l'usage accoutumé en semblable rencontre, et il finissait en priant que l'on fît au plus tôt une réponse positive. Ce député était accompagné d'environ soixante-dix personnes. Dès qu'il eut délivré sa lettre, on envoya chercher les pères Thomas et Pereira pour la traduire ; il y en avait une copie en latin ; les Pères firent cette traduction en langue chinoise et tartare dans le Tribunal des colao, qui est dans l'intérieur du palais, et ils y employèrent toute la nuit. Avant qu'ils commençassent la traduction, l'empereur leur avait envoyé demander par Tchao laoyé