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le cœur de ses sujets, et assuré à son nom l'immortalité dans l'esprit des Chinois, qui n'avaient jamais vu leur empereur se familiariser ainsi avec eux, et entrer avec tant de bonté dans leurs besoins. Un prêtre des idoles s'étant présenté devant Sa Majesté, et ayant dit à haute voix qu'il était devin, et qu'il savait prédire les choses à venir, l'empereur l'arrêtant lui fit cette question : — Dis-moi pourquoi je suis venu faire ce voyage. Le bonze répondit, que Sa Majesté était venu se promener ; sur quoi l'empereur, qui ne goûtait pas cette réponse, lui ajouta : — Tu te trompes, je suis venu visiter les provinces, pour voir comment elles sont gouvernées, et de quelle manière les mandarins traitent mon peuple. Ensuite il fit signe à un de ses gens de se disposer à donner quelques coups de fouet à ce prétendu devin, puis il lui fit cette autre question : — Est-ce aujourd'hui un jour heureux ou malheureux ? le bonze répondit que c'était un jour heureux. — Enfin, lui dit l'empereur, puisque tu sais prédire l'avenir, dis-moi ce que j'ai dessein de faire présentement ; le bonze fut embarrassé, et après avoir hésité quelque temps, il répondit qu'il n'en savait rien ; sur quoi Sa Majesté fit signe à celui qui avait le fouet en main et le bras levé, de lui en donner quelques coups, ce qui s'exécuta à l'heure même, accompagnant ce châtiment de reproches, sur le métier infâme qu'il faisait de tromper un peuple trop crédule. Le Gan tcha sseë, ou grand juge criminel de la province le fit aussitôt saisir, et voulait le condamner à mort, pour avoir eu la hardiesse d'en imposer à l'empereur ; mais Sa Majesté lui accorda sa grâce, en disant, que ce châtiment qu'il venait de recevoir suffisait pour le rendre sage. Dans les grandes villes le peuple venait en foule à la porte du palais, chacun voulait offrir quelque chose à l'empereur ; il n'y avait pas jusqu'aux plus pauvres qui présentaient les uns du riz, les autres des fruits, etc. et comme Sa Majesté ne voulait rien recevoir pour ne pas les obliger à faire des frais, ils se mettaient à pleurer, et le forçaient par leurs larmes à prendre des bagatelles, pour ne les point attrister ; ils s'en retournaient contents, n'eût-il pris que quelques grains de riz. Le 22 nous accompagnâmes le convoi d'un régulo, qui nous avait témoigné beaucoup d'amitié pendant sa vie, et qui était mort depuis environ un mois ; on l'avait gardé pendant tout ce temps là dans sa maison, exposé dans une grande salle, où tous les autres régulos, princes, et grands de la cour avaient été le pleurer, selon la coutume qui s'observe dans tout l'empire. On le transportait ce jour-là avec une pompe funèbre fort magnifique dans sa maison de plaisance, qui est proche de cette ville, pour y être mis en dépôt environ deux mois, jusqu'à ce qu'on le portât à sa sépulture. Le fils aîné de l'empereur fut envoyé par Sa Majesté, pour assister de sa part à cette cérémonie ; il était suivi et environné de tous les autres régulos et des princes du sang impérial ; un nombre prodigieux de mandarins fermait le convoi. Il y avait des chameaux chargés de tentes et de meubles