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Le 2 nous fîmes 20 lys au sud-sud-est pour aller rejoindre le grand chemin que nous avions laissé le jour d'auparavant ; la vallée dans laquelle nous fîmes ces vingt lys est presque toute cultivée ; on y trouve d'espace en espace des métairies, et quantité de chevaux qui paissent. Nous y vîmes beaucoup de faisans ; les uns par bandes, les autres épars çà et là ; nous passâmes et repassâmes la rivière, et nous tournoyâmes quelque temps dans une vallée plus étroite ; après quoi nous entrâmes dans une plaine fort agréable, nommée Poro hotun, qui est toute bien cultivée, et semée de métairies, de hameaux, et de villages. Il y en a un entr'autres fort grand vers la fin de la plaine au sud, et l'on y compte quatre ou cinq pagodes ; les autres villages et hameaux ont au moins chacun la leur ; les maisons ne sont toutes que de bois, de roseaux, et de boue, et couvertes de paille ; mais les pagodes sont ou tout, ou en partie de briques, et couvertes de tuiles, avec des enjolivements à la manière chinoise. On sème dans cette plaine et dans les vallées, qui sont depuis là jusqu'à la grande muraille de la Chine, quantité de grains de Turquie, de millet, et d'autres petits grains ; nous vîmes du lin et du chanvre dans quelques endroits. Ces peuples font des espèces de petits gâteaux avec de la farine de blé d'Inde, dont ils se nourrissent. Ils en font de même un breuvage qu'ils appellent tchaomien, en délayant cette farine dans l'eau ; on use de ce breuvage particulièrement en été, parce qu'il est rafraîchissant. Les Grands mêmes de la cour en prennent lorsqu'ils sont en voyage, en y mêlant un peu de sucre ; l'eau devient par là beaucoup plus fraîche, et perd sa crudité. Ce fut dans cette plaine de Poro hotun, que nous rejoignîmes le grand chemin, et nous fîmes encore quatre vingt lys, la plupart du temps au sud, et au sud-ouest, mais nous tournoyâmes beaucoup dans les montagnes ; après avoir passé cette plaine, nous entrâmes dans une vallée fort étroite, et environnée de part et d'autre de rochers escarpés qui forment des précipices ; ces rochers ne laissent pas de porter de grands sapins, et d'autres bois. La rivière nommée Tsou ho serpente entre les rochers de telle manière, que nous la traversâmes dix-huit fois à gué en moins de quarante lys ; malgré ses tours et détours, elle ne laisse pas d'être partout fort rapide. L'empereur y a fait construire quelques méchants ponts de bois pour y passer avec sa suite, lorsque la rivière se trouve plus grosse et moins guéable, comme il arrive après des pluies considérables ; mais comme ces ponts sont peu solides, et que d'ailleurs ils embarrassent les pièces de bois qu'on fait flotter sur la rivière, ou bien ils se détruisent d'eux-mêmes, ou les marchands de bois les rompent, de sorte que dans tous ces passages nous n'en trouvâmes qu'un seul qui fût entier. Nous trouvâmes aussi dans ces vallées étroites beaucoup de vignes sauvages, et quoique la plus grande partie eût été dépouillée par les passants, nous ne laissâmes pas de ramasser encore quelques grappes de raisin noir qui était mûr, mais un peu aigre ; nous nous en contentâmes, faute de meilleurs fruits.