Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’avoine qu’on ne trouve presque point ailleurs, est ici en abondance, et sert à nourrir les chevaux, ce qui paraissait nouveau à nos compagnons tartares élevés à Peking où les chevaux sont nourris d’une espèce de fèves noires, dont le débit est grand dans toutes les provinces boréales de l’empire. Le riz et le froment n’y sont pas communs, soit que la terre n’y soit pas propre, soit que ces nouveaux habitants trouvent mieux leur compte à avoir beaucoup de grains que d’en avoir moins, quoique d’une meilleure espèce.

Au reste il ne nous paraît pas aisé de dire pourquoi tant de pays, qui n’ont de hauteur que 43, 44, 45 degrés sont si différents des nôtres par rapport aux saisons, et aux productions de la nature, qu’on ne peut pas même les comparer à nos provinces les plus septentrionales : mais du moins il est aisé de juger que la qualité d’un pays dépend encore plus des terres qui abondent plus ou moins en esprits de nitre, que de leur situation par rapport au ciel.

Le froid commence dans ces quartiers plus tôt qu’à Paris, bien qu’on ne se trouve à sa hauteur que près le cinquantième, on en sent déjà la violence au commencement de septembre ; le huitième de ce mois nous nous trouvâmes à Tondon premier village des Tartares Ke tching ta tse, et nous fûmes tous obligés de prendre des habits fourrés de peaux d’agneaux, que nous ne quittâmes plus. On commença même à craindre que le fleuve Saghalien oula, quoique très profond et très large, ne vînt à se glacer, et que la glace n’arrêtât nos barques : en effet, tous les matins les bords se trouvaient pris à une certaine distance, et les habitants assuraient que dans peu de jours la navigation deviendrait dangereuse par le choc des quartiers de glace que ce fleuve charrierait.

Ce froid est entretenu par les grandes forêts du pays, qui deviennent encore plus fréquentes et plus épaisses, à mesure qu’on avance vers les bords de la mer Orientale : nous fûmes neuf jours à en traverser une, et nous étions obligés de faire couper par les soldats mantcheoux un certain nombre d’arbres, afin d’avoir un espace assez vaste pour les observations des hauteurs méridiennes du soleil.

Quand on est sorti de ces bois, on ne laisse pas de trouver de temps en temps des vallées couvertes d’une belle herbe, et arrosées de ruisseaux d’une bonne eau, dont les bords sont semés de différentes espèces de fleurs, mais toutes très communes dans nos provinces, si vous en exceptez les lys jaunes qui font d’une très belle couleur : nos Mantcheoux en faisaient beaucoup de cas.

Ces lys, quant à la figure et à la hauteur, ne sont point différents de nos lys blancs, mais ils sont d’une odeur beaucoup plus douce. Nous n’en fûmes pas surpris, puisque les roses, que nous trouvions dans ces vallées, n’avaient pas l’odeur des nôtres, et que nos tubéreuses transplantées à Peking y sont devenues moins odoriférantes : les plus beaux lys jaunes ne naissent pas loin de la palissade de Leao tong. Après en être sortis et avoir fait sept à huit de nos lieues, nous en trouvâmes en quantité, entre le quarante-un et le