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dont il est borné au septentrion : ainsi son étendue en latitude n'est pas moindre de 12 degrés et en comprend presque 20 en longitude.

Ce pays n’est presque point habité, il n'y a que trois villes très mal bâties et entourées d'une muraille de terre ; la principale est située sur le fleuve Songari, qui dans cet endroit s'appelle Kirin oula, dont elle tire son nom, car cette dénomination Kirin oula hotun signifie la ville du fleuve Kirin : elle est la demeure du général d'armée mantcheou, qui a tous les droits de vice-roi, et qui commande à tous les mandarins, aussi bien qu'à toutes les troupes.

La seconde nommée Pedné, ou Pétouné est aussi sur le même fleuve Songari à 45 lieues de Kirin oula hotun, mais, presqu'à son nord-ouest : elle est beaucoup moins considérable, et n’est presqu'habitée que par des soldats tartares et des gens exilés, sous le commandement d'un lieutenant général.

La troisième ville, que la famille régnante regarde comme son ancienne patrie, est située sur la rivière Hourka pira, qui se décharge au nord dans la Songari oula : on l'appelle ordinairement Ningouta, quoiqu'elle dut être appelée Ningunta, car ces deux mots tartares signifiant sept chefs, expriment bien le commencement de leur royaume, établi d'abord par les sept frères du trisaïeul de l'empereur, qui sut les réunir dans cet endroit avec toutes leurs familles, et se faire obéir de gré ou de force de tout le reste de sa nation, laquelle alors était répandue dans les déserts qui s'étendent jusqu'à la mer Orientale, et se partageait en petits hameaux composés de gens de même famille.

Cette ville est aujourd'hui la résidence d'un lieutenant général mantcheou de qui dépendent toutes les terres des Mantcheoux anciens et nouveaux, qui sont aussi nommés Ilan hala tase, de même que tous les villages des Yupi tase et de quelques autres nations encore moins considérables, qu'on trouve en descendant vers l'embouchure du Saghalien oula, et le long des bords de la mer.

Comme c’est dans ces vastes régions que se trouve la plus précieuse des plantes, au sentiment des Chinois et des Tartares, et que ces Yupi tase sont obligés de payer un tribut de peaux de zibelines, le commerce de Ningouta est considérable, et y attire grand nombre de Chinois des provinces les plus éloignées : leurs maisons jointes à celles des soldats, font des faubourgs au moins quatre fois plus grands que la ville.

L'empereur a même pris soin de faire repeupler la campagne par les Tartares et par les Chinois, qui suivant les lois, doivent être condamnés à l'exil pour certains crimes : aussi trouvâmes-nous des villages, quoique nous fussions assez éloignés de Ningouta, où nous prîmes des rafraîchissements. Ils ont de quoi vivre, et ils recueillent surtout grande quantité de millet, et d'une espèce de grain que nous n'avons pas, nommé par les Chinois du pays mai se mi, comme s'il tenait le milieu entre le froment et le riz : mais quoiqu'il en soit du nom, il est bon à manger, et d'un grand usage dans ces pays froids : peut-être viendrait-il dans certains pays de l'Europe, où les autres blés ne sauraient croître.