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à propos, comme il a fait à l'occasion de la guerre qui est entre les rois d'Eluth et de Kalka, qui ne lui sont point sujets ni l'un ni l'autre.

Enfin il nous ajouta que ce taiki que nous trouvâmes hier en chemin était campé là pur ordre de l'empereur, et qu'il commandait mille cavaliers campés par pelotons sur toute cette frontière, pour observer ce qui se passe, et être en état de s'assembler au premier ordre. Le 29 nos gens retournèrent de la chasse vers midi, et rapportèrent plusieurs chèvres jaunes, et un loup qu'ils avaient tué dans la même enceinte où ils avaient enfermé les chèvres jaunes. Ce loup était à peu près semblable à ceux que nous avons en France, si ce n'est que je lui trouvai le poil un peu moins grand, et tirant un peu plus sur le blanc : il avait la gueule fort affilée et presque semblable à celle d'un lévrier. Quoiqu'il n'y ait ni bois ni buissons en ce pays, il ne laisse pas de s'y trouver des loups qui suivent ordinairement les troupeaux de chèvres jaunes dont ils se nourrissent ; j'ai vu plusieurs de ces chèvres jaunes, et je crois que c'est un animal particulier de ces contrées ; car ce n’est ni gazelle, ni daim, ni chevreuil ; les mâles ont des cornes qui n'ont guère plus d'un pied de longueur, et environ un pouce de diamètre à la racine ; ces cornes ont des nœuds de distance en distance. Ces chèvres sont de la grosseur de nos daims, et ont le poil à peu près semblable, mais elles ont les jambes plus élevées et plus déliées : aussi courent-elles extrêmement vite et fort longtemps sans se lasser ; il n'y a ni chien, ni lévrier qui puisse les suivre : elles ressemblent assez par la tête à nos moutons ; la chair en est tendre, et d'assez bon goût ; mais les Tartares et les Chinois ne savent pas l'assaisonner. Ces animaux vont par grandes troupes ensemble dans ces plaines désertes, où il n'y a ni arbres ni buissons ; c'est là qu'elles se plaisent, car on n'en trouve point dans les bois ; elles ne courent jamais plusieurs de front, mais elles vont à la file et l'une après l'autre ; elles sont extrêmement timides, et dès qu'elles aperçoivent quelqu'un, elles courent sans cesse jusqu'à ce qu'elles l'aient perdu de vue : elles ne sautent point, mais elles courent toujours en droite ligne. Il fit fort chaud ce jour-là jusque vers le soir que le temps se couvrit, et qu'il s'éleva un vent de sud. Je ne me trouvai pas bien tout le jour, étant toujours incommodé de l'estomac, et ayant toujours un grand dégoût. Le 30 nous demeurâmes tout le jour dans le même camp ; le temps fut couvert et pluvieux le matin, et l'après midi il fit fort chaud : ce ne fut que vers le soir qu'il s'éleva un assez grand vent de sud-est. Le 31 un courrier dépêché à l'empereur par le mandarin, que Sa Majesté avait envoyé au roi d'Eluth, passa par notre camp. Il allait porter la nouvelle, que le roi d'Eluth avait été obligé de s'en retourner promptement dans son pays, sur ce qu'il avait appris que les mahométans tartares ses voisins, y avaient fait une irruption, et qu'ils y faisaient les mêmes dégâts qu'il était venu faire dans le royaume de Kalka : ce mandarin