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à acheter ou à échanger chez les Kalkas : c’est pourquoi chacun s'était pourvu de toile, de thé, de tabac, et de pièces de soie, qui sont les marchandises que recherchent ces peuples : mais comme ils avaient tous pris la fuite, et que les Eluths pillaient et ravageaient tout ce qui tombait sous leurs mains, on se voyait privé de ce secours, en sorte qu'on eût beaucoup souffert, s'il eût fallu continuer le voyage jusqu'au terme. Nos ambassadeurs avant que de se mettre en route pour le retour, écrivirent une grande lettre aux ambassadeurs moscovites, qu'ils nous firent traduire en latin. Ils remontaient d'abord jusqu'à l'origine de la guerre qu'ils avaient ensemble, et ensuite ils entraient dans le détail des sujets qu'ils avaient de se plaindre : c'est à peu près ainsi qu'elle était conçue. Ceux qui habitent les confins des terres sujettes aux grands ducs de Moscovie, sont entrés dans les terres d'Yacsa et de Nipchou, qui appartiennent à l'empereur notre maître : ils y ont exercé plusieurs violences, pillant, volant, et maltraitant nos chasseurs : quand ils se furent emparés du pays de Hegunniouma et d'autres terres, on en écrivit de la Chine plusieurs lettres en Moscovie, auxquelles on ne daigna pas faire de réponse. L'empereur notre maître envoya en l'an 1686 quelques-uns de ses gens aux officiers moscovites, qui commandaient en ces quartiers-là, pour traiter amiablement avec eux de cette affaire. Mais un certain Alexis, gouverneur d'Yacsa, sans avoir égard aux principes de cette querelle, prit aussitôt les armes contre toute sorte de droit et de raison : c’est ce qui obligea un des généraux de l'empereur d'assiéger Yacsa : il s'en rendit maître. Mais Sa Majesté Impériale persuadée que les grands ducs de Moscovie n'approuveraient pas la conduite du gouverneur, défendit de tuer aucun Moscovite : bien plus, elle ordonna qu'on fournît à ceux de la garnison, qui voudraient retourner en leur pays, toutes les choses nécessaires pour les y conduire, et qu'on amenât à Peking ceux qui ne voudraient pas s'en retourner, leur promettant de les entretenir selon leur qualité : de sorte que de plus de mille soldats moscovites qui s'étaient trouvés dans Yacsa, lorsqu'on le prit, il n'y en eut pas un auquel il fut fait le moindre mal : au contraire, on donna des chevaux à ceux qui n'en avaient point, et des mousquets à ceux qui étaient désarmés : on pourvut de vivres ceux qui en manquaient, et en les renvoyant, on leur dit que notre empereur ne se plaisait point à ces sortes de querelles, mais qu'il désirait que tous les peuples du monde pussent jouir d'une paix profonde, chacun sur ses propres terres. De sorte qu'Alexis même était surpris de la clémence de Sa Majesté impériale, et ne put retenir les larmes, en lui témoignant si reconnaissance. Cependant il revint l'automne de la même année dans cette forteresse que nous avions ruinée : non content de la rétablir, il coupa le chemin à nos chasseurs, et leur enleva quantité de peaux dont ils étaient chargés ; il fit plus, il vint avec des gens de guerre dans le pays d'Houmari, et ayant dressé