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ils ne portent point de vestes courtes au-dessus de la longue veste : ils ne savent point cultiver la terre, aussi ne mangent-ils ni pain ni riz. On m'a assuré qu'ils ne vivaient pas longtemps, et qu'on voyait parmi eux peu de vieillards. Leur vénération envers leurs lamas est au-dessus de toute expression. Ces lamas sont vêtus de rouge et de jaune : nous en avons rencontré plusieurs sur le chemin, depuis que nous avons passé la grande muraille : ce sont bien les plus difformes personnages qu'on puisse voir. Il y en a présentement un très grand nombre à Peking où ils viennent tous les jours en foule, parce qu'ils y sont bien traités de l'empereur. La politique porte ce prince à les ménager, à cause de l'ascendant qu'ils ont sur l'esprit des Tartares Mongous. Quand ils sont à Peking, ils quittent aussitôt leurs haillons, et s'accoutument aisément à être bien vêtus et à faire bonne chère. On dit qu'ils achètent les plus belles femmes qu'ils trouvent, sous prétexte de les marier à leurs esclaves : ils les achètent jusqu'à deux cents et deux cent cinquante écus chacune. Sur le soir le temps redevint serein, mais il était fort froid. Le 8 nous fîmes cent lys, toujours à l'ouest, prenant même quelquefois un peu de sud. Nos ambassadeurs firent une partie du chemin en chassant, croyant trouver du gibier : mais leur chasse ne fut pas heureuse, on ne vit que quelques lièvres qu'ils ne purent atteindre : nous marchâmes une partie du temps en montant et descendant de petites hauteurs : mais notre équipage marcha toujours dans une grande plaine fort unie, et pleine de bons pâturages ; nous passâmes plusieurs ruisseaux, et nous ne vîmes dans toute la plaine et sur toutes les collines d'alentour qu'un arbre. C'est le seul que nous ayons vu depuis quatre jours. Nous eûmes toujours un très beau chemin, d'une terre égale et unie, mais qui n'était cultivée que vers le lieu où nous campâmes le long d'un ruisseau, à une petite demie lieue d'un hameau, où des Chinois exilés de leur patrie se sont établis. Ils y ont bâti quelques chaumines de terre et de pierre, dans un lieu où il y avait anciennement une ville, ou du moins une grosse bourgade, dont il reste encore des ruines : nous y vîmes entr'autres choses plusieurs petites meules de pierre, semblables à celles dont les Chinois se servent pour moudre leur farine, et pour faire leur huile : et de plus une figure de lion de pierre taillée à la manière chinoise. Les Chinois qui se sont établis dans cet endroit, cultivent quelques morceaux de terre aux environs ; ce qui fait voir que si on voulait cultiver les collines et les plaines de cette contrée, on le pourrait aisément, et il y a apparence qu'elles seraient très fertiles. On nous a dit que les grands froids empêcheraient les grains de mûrir : mais l'épreuve qu'en ont fait les Chinois, montre le contraire ; à la vérité ce climat est fort froid : quoique nous ne soyons pas encore au 42e degré de latitude, il a fait cette nuit une gelée blanche, dont toute la terre était couverte le matin. Le reste du jour fut beau et l'air tempéré, un petit vent de nord modérait