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immédiatement au-deçà de ces montagnes, nommée Tchang ping tcheou. Ce qui m'a paru incompréhensible, c’est comment on a pu transporter des pierres et des briques, et bâtir sur ces pointes de rochers escarpés dans des endroits, où nos architectes les plus hardis n'entreprendraient pas d'élever le moindre bâtiment. Ces montagnes dans l'endroit où nous les passâmes, sont pleines de sources et de fontaines : j'admirai l'industrie laborieuse des Chinois, à ne pas perdre un pouce de terre qui puisse être cultivée. Outre que ces gorges de montagnes sont pleines de noyers, et d'autres arbres fruitiers, il y a encore des jardins remplis de toutes sortes de grains et de légumes semés dans tous les fonds, entre les pierres et les rochers, dans les lieux où il y a tant soit peu de terre, que l'eau des fontaines fertilise : ils ont coupé et disposé en amphithéâtre les montagnes, et quoiqu'elles soient extrêmement escarpées, elles ne laissent pas d'être ensemencées partout où il y a un peu de bonne terre : les arbres, qui sont dans les fonds, sont la plupart des noyers, on y trouve aussi quelques abricotiers, et quelques pruniers : mais ces montagnes sont toutes chauves sur leur sommet qui est de roche, et l'on n'y voit pas même un buisson : nous fûmes toujours rafraîchis par un petit vent de nord dans ce passage. Après avoir marché environ 45 lys entre ces montagnes, comme nous descendions dans la plaine, nous trouvâmes une terre presque toute sablonneuse et stérile, et nous vînmes camper à 30 lys de la sortie des montagnes, sur le bord d'un ruisseau, au milieu de la vallée, qui a en cet endroit trois ou quatre lieues de largeur. Sur notre route nous vîmes des deux côtés au pied des montagnes de petits forts et des tours : les uns sont de briques, les autres sont simplement de terre. Ces tours et ces fortins sont éloignés de 7 à 800 pas géométriques les uns des autres : on trouve aussi deux ou trois forts plus grands ; apparemment qu'ils ont été bâtis pour empêcher les Tartares de pénétrer facilement jusques à Peking au cas qu'ils eussent passé par surprise la première enceinte de la grande muraille. Au reste ce pays a toujours été occupé par les Chinois, ainsi qu'on le voit par les lettres chinoises taillées dans la pierre, au-dessus des portes qui sont à l'entrée des plus grands forts, lesquels sont encore aujourd'hui peuplés de Chinois : pour ce qui est des petits forts et des tours, il n'y a personne qui les garde à présent. Tandis que nous fûmes dans les montagnes nous allâmes presque toujours au nord en tournoyant : mais après en être sortis, nous dirigeâmes notre course à l'ouest. Sur le soir nous allâmes visiter So san laoyé dans sa tente : comme c’est le meilleur ami que nous ayons à la cour, il nous reçut avec beaucoup d'honnêteté, et il s'entretint avec nous fort longtemps : il nous montra une lunette d'approche que l'empereur lui avait envoyée le jour précédent, en lui faisant dire que c'était une des cinq meilleures qu'il eut, et qu'il la lui prêtait pour le voyage, à condition qu'il la lui rendrait au retour.