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laquelle nous avons toujours monté durant cinq ou six jours de marche. L'empereur ayant voulu savoir de combien elle surpassait les campagnes de Peking éloignées de là d'environ trois cents milles : à notre retour après avoir mesuré la hauteur de plus de cent montagnes, qui sont sur la route, nous trouvâmes qu'elle avait trois mille pas géométriques d'élévation au-dessus de la mer la plus proche de Peking. Le salpêtre, dont ces contrées sont pleines, peut encore contribuer à ce grand froid, qui est si violent, qu'en creusant la terre à trois ou quatre pieds de profondeur, on en tirait des mottes toutes gelées, et des morceaux de glace. Plusieurs régulos de la Tartarie occidentale venaient de trois cents et même de cinq cents milles avec leurs enfants pour saluer l'empereur. Ces princes, qui ne savent la plupart que leur langue naturelle, fort différente de celle qu'on parle dans la Tartarie orientale, nous marquaient des yeux et du geste une bonté toute particulière. Il s'en trouvait parmi eux, qui avaient fait le voyage de Peking pour voir la cour, et qui étaient venus dans notre église. Un ou deux jours avant que d'arriver à la montagne, qui était le terme de notre voyage, nous rencontrâmes un régulo fort âgé, qui revenait de chez l'empereur : nous ayant aperçu, il s'arrêta avec toute sa suite, et fit demander par son interprète, lequel de nous s'appelait Nan hoai gin : un de nos valets ayant fait signe que c'était moi, ce prince m'aborda avec beaucoup de civilité, et me dit qu'il y avait longtemps qu'il savait mon nom, et qu'il désirait de me connaître : il parla au père Grimaldi avec les mêmes marques d'affection. L'accueil favorable qu'il nous fit en cette rencontre, nous donne quelque lieu d'espérer que notre religion pourra trouver une entrée facile chez ces princes, particulièrement si on a soin de s'insinuer dans leur esprit par le moyen des mathématiques. Que si on a dessein de pénétrer quelque jour dans leur pays, le plus sûr pour plusieurs raisons que je n'ai pas le loisir d'expliquer ici, serait de commencer d'abord par les autres Tartares plus éloignés, qui ne sont pas soumis à cet empire ; de là on passerait à ceux-ci, en avançant peu à peu vers la Chine. Durant tout le voyage l'empereur continua de nous donner des marques singulières de sa bienveillance, nous faisant des faveurs à la vue de son armée, qu'il ne faisait à personne. Un jour qu'il nous rencontra dans une grande vallée, où nous mesurions la hauteur et la distance de quelques montagnes, il s'arrêta avec toute la cour, et nous appelant de fort loin, il nous demanda en langue chinoise : — Hao mo, c'est-à-dire, vous portez-vous bien ? Ensuite il nous fit plusieurs questions en langue tartare, sur la hauteur de ces montagnes, auxquelles je répondis aussi dans la même langue. Après cela se tournant vers les seigneurs qui l'environnaient, il leur parla de nous en des termes fort obligeants, comme je l'appris le soir même du prince son oncle, qui était alors à ses côtés.