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des montagnes : de telle manière, qu'au lieu d'un mur, l'on peut dire qu'il y en a trois, qui entourent toute cette grande partie de la Chine. Après tout, le monarque qui de nos jours a réuni les Chinois et les Tartares sous une même domination, a fait quelque chose de plus avantageux pour la sûreté de la Chine, que l'empereur chinois qui a bâti cette longue muraille : car après avoir réduit les Tartares occidentaux, partie par adresse, partie par la force de ses armes, il les a obligés d'aller demeurer à trois cents milles au-delà de la muraille de la Chine : et dans cet endroit il leur a distribué des terres et des pâturages ; pendant qu'il a donné leur pays, aux autres Tartares ses sujets, qui y ont à présent leurs habitations. Cependant ces Tartares occidentaux sont si puissants, que s'ils agissaient de concert, ils pourraient encore se rendre maîtres de toute la Chine, et de la Tartarie orientale, de l'aveu même des Tartares orientaux. J'ai dit que le monarque tartare qui a conquis la Chine usa d'adresse pour subjuguer les Tartares occidentaux : car un de ses premiers soins fut d'engager les lamas dans ses intérêts par ses libéralités royales, et par des démonstrations d'une affection singulière. Comme ces lamas ont un grand crédit sur tous ceux de leur nation : ils leur persuadèrent aisément de se soumettre à la domination d'un si grand prince, et c’est en considération de ce service rendu à l'État, que l'empereur regardait ces lamas d'un œil favorable, qu'il leur faisait des largesses, et qu'il s'en servait pour maintenir les Tartares dans l'obéissance : quoique dans le fond il n'eût que du mépris pour leurs personnes, et qu'il les regardât comme des gens grossiers, qui n'ont nulle teinture des sciences, ni des beaux arts. C'était par un ménagement de politique qu'il déguisait ainsi ses véritables sentiments, en leur donnant ces marques extérieures d'estime et de bienveillance. Il a divisé cette vaste étendue de pays en 48 provinces qui lui font soumises et tributaires. De là vient que l'empereur qui règne dans la Chine, et dans l'une et l'autre Tartarie, peut avec justice être appelé le plus grand et le plus puissant monarque de l'Asie, ayant tant de vastes États sous lui, sans qu'ils soient coupés par les terres d'aucun prince étranger : et lui seul étant comme l'âme, qui donne le mouvement à tous les membres d'un si grand corps. Depuis qu'il s’est chargé du gouvernement, il n'en a jamais confié le soin à aucun des colao, ni des Grands de sa cour : il n'a jamais même souffert que les eunuques du palais, ni aucun de ses pages ou des jeunes seigneurs, qui ont été élevés auprès de lui, disposassent de rien au-dedans de sa maison, et réglassent d'eux-mêmes aucune chose. Ce qui paraîtra bien extraordinaire, surtout si l'on examine de quelle manière ses prédécesseurs avaient accoutumé d'en user. Il châtie avec une équité admirable les grands aussi bien que les petits : il les prive de leurs charges, et les fait descendre du rang qu'ils tiennent, proportionnant toujours la peine à la grièveté de leur faute. Il prend lui-même connaissance