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Plusieurs de ceux qui se sont trouvés aux dernières guerres, m'ont assuré qu'ils n'avaient pas tant souffert pendant ce temps-là, que pendant cette chasse ; de sorte que l'empereur, dont le principal but était de tenir ses troupes en haleine, a parfaitement réussi dans ce qu'il prétendait. La seconde raison qu'il a eu d'entreprendre ce voyage, a été de contenir les Tartares occidentaux dans leur devoir, et de prévenir les pernicieux desseins, qu'ils pourraient former contre l'État. C'est pour cela qu'il est entré dans leur pays avec une si grosse armée, et de si grands préparatifs de guerre, car il a fait conduire plusieurs pièces d'artillerie, pour en faire de temps en temps la décharge dans les vallées, et par le bruit et le feu qui sort de la gueule des dragons, qui leur servent d'ornement, jeter par tout l'épouvante sur la route. Outre cet attirail, il a voulu encore être accompagné de toutes les marques de grandeur, qui l'environnent à la cour de Peking, de cette multitude de tambours, de trompettes, de timbales, et d'autres instruments de musique, qui forment des concerts pendant qu'il est à table, et au bruit desquels il entre dans son palais, et en sort. Il a fait marcher tout cela avec lui, pour étonner par cette pompe extérieure ces peuples barbares, et leur imprimer la crainte et le respect dûs à la majesté impériale. Car l'empire de la Chine n'a point eu de tout temps d'ennemis plus à craindre que ces Tartares occidentaux, qui commençant depuis l'orient de la Chine, l'entourent d'une multitude presque infinie de peuples, et la tiennent comme assiégée du côté du septentrion et de l'occident. Et c’est pour se mettre à couvert de leurs incursions, qu'un ancien empereur chinois fit bâtir cette grande muraille, qui sépare la Chine de leurs terres. Je l'ai passée quatre fois dans les provinces de Pe tche li et de Chan si, et l'ai considéré de fort près. Je puis dire sans exagération, que rien n'est comparable à cet ouvrage : tout ce que la renommée en publie parmi les Européens, est bien au-dessous de ce que j'en ai vu moi-même. Deux choses me la font particulièrement admirer. La première est, que dans cette longue étendue de l'orient à l'occident, elle passe en plusieurs endroits, non seulement par de vastes campagnes, mais encore par dessus des montagnes très hautes, sur lesquelles elle s'élève peu à peu : elle est fortifiée par intervalles de grosses tours, qui ne sont éloignées les unes des autres que de deux traits d'arbalète. A notre retour j'eus la curiosité d'en mesurer la hauteur en un endroit, par le moyen d'un instrument, et je trouvai qu'elle avait en ce lieu là 1037 pieds géométriques au-dessus de l'horizon : de sorte qu'on ne comprend pas, comment on a pu élever cet énorme boulevard jusqu'à la hauteur où nous le voyons, dans des lieux secs et pleins de montagnes, où l'on a été obligé d'apporter de fort loin avec des travaux incroyables l'eau, la brique, le ciment, et tous les matériaux nécessaires pour la construction d'un si grand ouvrage. La seconde chose qui m'a surpris, est que cette muraille n’est pas continuée sur une même ligne, mais recourbée en divers lieux suivant la disposition