Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/103

Cette page n’a pas encore été corrigée

D'abord que l'empereur l'aperçut, il descendit de cheval, il se mit à genoux sur le rivage, et s'inclina trois fois jusqu'à terre pour la saluer. Ensuite il se fit porter sur un trône éclatant d'or, et fit ainsi son entrée dans la ville. Tout le peuple accourut en foule au-devant de lui, en témoignant par ses larmes la joie qu'il avait de le voir. Ce prince prit beaucoup de plaisir à ces témoignages d'affection, et pour donner des marques de sa bienveillance, il voulut bien se faire voir à tout le monde, et défendit à ses gardes d'empêcher le peuple de l'approcher, comme ils font à Peking. On fait en cette ville des barques d'une manière particulière. Les habitants en tiennent toujours un grand nombre de prêtes pour repousser les Moscovites, qui viennent souvent sur cette rivière leur disputer la pêche des perles. L'empereur s'y reposa deux jours, après lesquels il descendit sur le fleuve avec quelques seigneurs, accompagné de plus de cent bateaux jusques à la ville d'Oula, qui est la plus belle de tout le pays, et qui était autrefois le siège de l'empire des Tartares. Un peu au-dessous de cette ville, qui est à plus de 32 milles de Kirin, la rivière est pleine d'un certain poisson qui ressemble assez à la plie d'Europe : et c'était principalement pour y prendre le divertissement de la pêche que l'empereur était allé à Oula : mais les pluies survenant tout à coup, grossirent tellement la rivière, que tous les filets furent rompus et emportés par le débordement des eaux. L'empereur cependant demeura cinq ou six jours à Oula : mais voyant que les pluies ne discontinuaient point, il fut obligé de revenir à Kirin, sans avoir pris le plaisir de la pêche. Comme nous remontions la rivière, la barque où j'étais avec le beau-père de l'empereur, fut tellement endommagée par l'agitation des vagues, que nous fûmes contraints de mettre pied à terre, et de monter sur une charrette tirée par un bœuf, qui nous rendit fort tard à Kirin, sans que la pluie eût discontinué durant tout le chemin.

Le soir comme on entretenait l'empereur de cette aventure, il dit en riant : le poisson s'est moqué de nous. Enfin après avoir séjourné deux jours à Kirin, les pluies commencèrent à diminuer, et nous reprîmes la route de Leao tong. Je ne puis exprimer les peines et les fatigues qu'il nous fallut essuyer durant tout le cours de ce voyage, marchant par des chemins que les eaux avaient gâtés, et rendu presque impraticables. Nous allions sans cesse par des montagnes ou par des vallées : et l'on ne pouvait passer qu'avec un extrême danger, les torrents et les rivières qui étaient grossies par des ravines qui y coulaient de toutes parts. Les ponts étaient ou renversés par la violence des courants, ou tout couverts par le débordement des eaux. Il s'était fait en plusieurs endroits de grands amas d'eau, et une fange dont il était presque impossible de se tirer. Les chevaux, les chameaux, et les autres bêtes de somme qui portaient le bagage, ne pouvaient avancer : ils demeuraient embourbés dans les marais, ou mouraient de langueur sur les chemins : les hommes n'étaient pas moins incommodés : et tout s'affaiblissait faute de vivres et de rafraîchissements nécessaires pour un si grand