On négligea las admirables leçons des Yao, des Chun, d’un Confucius, et l’on n’eut de penchant que pour la religion du Fo : cette secte ne prescrit que quelques vaines prières pour devenir heureux, ce qui est très aisé : au lieu que nos sages exhortent à vaincre ses passions, à régler ses désirs, et à remplir tous ses devoirs ; ce qui est d’une pratique bien plus difficile.
Ce discours souleva une grande partie des auditeurs. Vous avez beau dire, s’écria l’un d’eux, tout est vide dans ce monde visible, l'Yang, l’Esprit est seul immortel. La grande doctrine du Fo et du tao, enveloppe tout dans le néant ; il n’y a que l’âme qui n’y soit pas comprise ; elle doit subsister et vivre éternellement. Qui ne voit pas que c’est par prévention, et par esprit de partialité, que vous vous déchaînez contre cette doctrine ? Ce que vous venez de débiter sur le système du monde, est-il mieux fondé ?
Rien n’était plus capable de piquer le philosophe, et l’on s’aperçut aisément que ce reproche l’avait ému. Il faut, reprit-il d’un ton vif et animé, que votre Lao tsé fût bien attaché à la vie, puisqu’il cherchait tant de moyens de la prolonger : cependant sa vieillesse n’alla pas au-delà de cent ans. Mais il se flattait que son yang, son esprit vivifiant ne s’éteindrait point ; et Fo tse n’était-il pas également passionné pour la vie ? Il ne vécut pourtant que soixante-trois ans : mais il était persuadé que son âme, qui était proprement sa personne, subsisterait toujours.
La vie de tout ce qu’il y a d’hommes sur la terre a un terme fixe : mais Lao et Fo se sont ridiculement imaginés qu’ils étaient les seuls privilégiés ; que tout ce qui a paru et paraîtra sur la terre, rentrera dans le néant, mais que pour eux ils seront immortels ; et qu’outre ce qui se voyait de leur personne, ils avaient un esprit intelligent, vrai principe de vie. Aussi l’on trouve dans la doctrine de ces sectes, ce langage inintelligible, Fo chi y, Chin eul, yeou san siang ; c’est-à-dire, selon la secte du Fo, le corps de Fo, la tige ou la substance est un ; mais il a trois images. Lao chi y, Chin eul, Fuen san tsing ; c’est-à-dire, selon la religion de Lao, le corps de Lao, la tige, la substance est un, où l’on distingue trois purs.
Ces sectaires, pour se faire entendre, ont recours à des comparaisons : un pieu de saule planté en terre, laisse à la fin échapper le fin de la nature du saule ; le renard en mourant dans sa tanière, laisse après lui les esprits vivifiants qui l’animaient[1]. C’est ainsi qu’ils prétendent qu’après la mort de leur maître, il est resté quelque chose de sa personne, qui renaît en ce bas monde.
Ces visions, comme vous voyez, mettent Lao et Fo au rang des arbres et des bêtes. Mais comme les rêveries de la secte du Fo ont infatué une infinité de gens, il faut que je vous entretienne plus en détail de cette secte : je vais le faire en dix petits articles.
1° dans le livre des disciples de Fo, intitulé : l’Utilité de la maison, on
- ↑ Les femmes idolâtres croient voir souvent des esprits sous la figure de renards, et les appellent Hou li tsing.