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ne suffit pas pour en chasser toute l’humidité, ils font un trou à chaque morceau : puis ils enfilent tous ces morceaux en forme de chapelet, pour les suspendre à la plus forte ardeur du soleil, jusqu’à ce qu’ils soient en état d’être conservés sans danger de se corrompre.


Ses usages.


Les Chinois pensent à peu près comme les Européens sur l’usage qui se fait de la rhubarbe. Néanmoins il est rare qu’ils se servent de la rhubarbe crue et en substance. Elle déchire les boyaux, disent-ils : cela veut dire qu’elle cause des tranchées ; et comme les Chinois aiment mieux d’ordinaire ne pas guérir, que d’être secourus avec de grandes douleurs, ils prennent plus volontiers la rhubarbe en décoction, avec beaucoup d’autres simples, qu’ils allient selon les règles de leur art. Que s’il est nécessaire qu’ils la prennent en substance, ils la préparent auparavant de la manière que je vais dire.

Ils prennent une quantité de tronçons de rhubarbe, selon le besoin qu’ils en ont, et les font tremper un jour et une nuit dans du vin de riz (celui de raisin, s’ils en avaient, serait meilleur), jusqu’à ce qu’ils soient bien amollis, et qu’on les puisse couper en rouelles assez minces. Après quoi ils posent sur un fourneau de briques une espèce de chaudière, dont l’ouverture est de deux pieds de diamètre, et va en se rétrécissant jusqu’au fond en forme de calotte : ils la remplissent d’eau, couvrent la chaudière d’un tamis renversé, qui est fait de petits filets d’écorce de bambou, et qui s’ajuste avec l’ouverture de la chaudière. Sur le fond du tamis, ils posent les rouelles de rhubarbe, et couvrent le tout avec un fond de tamis de bois, sur lequel ils jettent encore un feutre, afin que la fumée de l’eau chaude ne puisse sortir. Ils allument ensuite leur fourneau, et font bouillir l’eau. La fumée qui s’élève par le tamis, pénètre les rouelles de rhubarbe, et les décharge de leur âcreté. Enfin cette fumée se résolvant, comme dans l’alambic, retombe dans la chaudière bouillante, et jaunit l’eau, que les Chinois gardent pour les maladies cuticulaires. Ces rouelles doivent demeurer au moins huit heures dans cette circulation de fumée, après quoi on les tire pour les faire sécher au soleil : on recommence deux fois la même opération, et pour lors la rhubarbe est préparée, et est de couleur noire. On peut la piler et en faire des pilules purgatives. Cinq ou six drachmes au moins font une prise, qui purge lentement et sans tranchées : l’urine ce jour-là est plus abondante, et de couleur rougeâtre ; ce qui marque, disent les Chinois, une fausse chaleur qui se dissipe par cette voie. Ceux qui ont de la répugnance à avaler tant de pilules, prennent la même quantité de rouelles sèches, et les font bouillir dans un petit vase de terre ou d’argent, avec neuf onces d’eau, jusqu’à la réduction