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de Tun, avait épousé la fille du roi ; j’avais donné ordre à un assassin de prendre un poignard, d’escalader la muraille du palais de Tchao tun, et de le tuer. Ce malheureux, en voulant exécuter mes ordres, se brisa la tête contre un arbre, et se tua. Un jour Tchao tun sortit pour aller animer les laboureurs au travail, il trouva sous un mûrier un homme à demi mort de faim ; il le fit boire et manger tant qu’il voulut, et lui sauva la vie. Dans ce temps-là un roi d’occident offrit un grand chien qui avait nom Chin ngao. Le roi me le donna, et je formai le dessein de m’en servir pour faire mourir mon rival ; j’enfermai le chien dans une chambre à l’écart ; je défendis qu’on lui donnât à manger pendant quatre ou cinq jours. J’avais préparé dans le fond de mon jardin un homme de paille, habillé comme Tchao, et de sa grandeur : ayant mis dans son ventre des entrailles de mouton, je prends mon chien, je lui fais voir les entrailles, je le lâche : il eut bientôt mis en pièces l’homme de paille, et dévoré la chair qu’il y trouva. Je le renferme dans sa prison, je le fais jeûner, et je le ramène au même endroit ; sitôt qu’il aperçut l’homme de paille, il se mit à aboyer ; je le lâche, il déchire le fantôme, et mange les entrailles comme la première fois : cet exercice dura cent jours : au bout de ce temps-là je vais à la cour, et je dis publiquement au roi : Prince, il y a ici un traître qui a de mauvais desseins contre votre vie. Le roi demanda avec empressement quel était le traître. Je répondis : Le chien que Votre Majesté m’a donné, le connaît ; le roi montra une grande joie : Jadis, dit-il, on vit sous les règnes de Yao et de Chun un mouton, qui avait aussi l’instinct de découvrir les criminels ; serais-je assez heureux pour voir sous mon règne quelque chose de semblable ? Où est ce chien merveilleux ? Je l’amenai au roi ; dans ce moment Tchao tun était à côté du roi avec ses habits ordinaires : sitôt que Ch’in ngao le vit, il se mit à aboyer : le roi me dit de le lâcher, en disant : Tchao tun ne serait-il pas le traître ? Je le déliai ; il poursuivit Tchao tun qui fuyait de tous côtés dans la salle royale : par malheur mon chien déplut à un mandarin de guerre qui le tua. Tchao tun sortit du palais, et voulait monter sur son chariot à quatre chevaux ; j’en avais fait ôter deux, et casser une des roues pour qu’il ne pût s’en servir ; mais il se trouva là un brave, qui de son épaule soutint le chariot, et de sa main frappait les chevaux : il s’ouvrit un passage entre les montagnes, et sauva la vie à Tchao tun ; quel était ce brave ? Celui-là même que Tchao tun avait retiré des portes du trépas. Pour moi étant demeuré auprès du roi, je lui dis ce que j’allais faire pour son service, et sur-le-champ je fis massacrer toute la famille et les domestiques de Tchao tun, au nombre de trois cents personnes ; il ne reste que Tchao so avec la princesse son épouse ; il est le gendre du roi ; il n’est pas à propos de le faire mourir en public : persuadé cependant, que pour empêcher qu’une plante ne repousse, il faut en arracher jusqu’à la plus petite racine, j’ai supposé un ordre du roi, et j’ai envoyé de sa part à Tchao so trois choses, une corde, du vin empoisonné, et un poignard, ne lui laissant que la liberté du choix : mes ordres seront promptement exécutés, et j’en attends la réponse... Il sort.