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Qu’ai-je gagné par tant de témoignages de la plus tendre amitié ?
Un inconnu n’a eu qu’à paraître, j’ai été aussitôt oublié.
On est venu m’assaillir dans le cercueil à grands coups de hache :
C’est là un empressement bien plus grand, que celui de sécher le tombeau avec l’éventail.


Après quoi Tchouang tse dit à la dame : Regarde ces deux hommes qui sont derrière toi, et il les montrait du doigt. Elle se tourne, et aperçoit Ouang sun et son vieux domestique, qui étaient prêts d’entrer dans la maison. Ce fut pour elle un nouveau sujet de frayeur. Ayant tourné une seconde fois la tête, elle s’aperçut qu’ils avaient disparu.

Enfin cette malheureuse au désespoir de voir ses intrigues découvertes, et ne pouvant plus survivre à sa honte, se retire à l’écart. Là elle dénoue sa ceinture de soie, et se pend à une poutre. Fin déplorable, où conduit d’ordinaire une passion honteuse à laquelle on se livre ! Celle-ci pour le coup est sûrement morte sans aucune espérance de retour à la vie.

Tchouang tse l’ayant trouvée en cet état, la détache, et sans autre façon, va raccommoder un peu le cercueil brisé, où il enferme le cadavre. Ensuite faisant un carillon ridicule, en frappant sur les pots, sur les plats, et sur les autres ustensiles qui avaient servi au festin des noces, il entonna la chanson suivante, appuyé sur un côté du cercueil.


Cette chanson est en vers libres ; il y en a de petits qui ne sont que de quatre caractères. Hi hi est le refrain, à peu près de même que Lanturlu dans un vaudeville. On ne le met ici que dans le premier couplet.


Grosse masse sans âme ! Hi hi, durant ta vie nous avons été unis ensemble ;
Mais fus-je jamais bien ton mari ? Hi hi, et te dois-je regarder comme ma femme ?

Le pur hasard nous réunit, je ne sais comment : ma malheureuse destinée nous plaça sous le même toit ;
Le terme est enfin expiré, j’en suis quitte.

Si nous fûmes unis, nous voilà éternellement séparés,
Ingrate et infidèle.
 
Dès que tu me crus mort, ton cœur volage passa à un autre ;
Il fit voir ce qu’il était : avait-il été auparavant un moment à moi ?

Il n’y a que quelques heures que nageant dans la joie, tu te donnais un nouvel époux ;
Serais-tu morte, pour aller joindre cet époux dans le séjour des ombres ?