Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/412

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour gagner ses bonnes grâces : mais il ne s’était encore présenté nulle occasion favorable à son dessein.

Un jour qu’il y pensait le moins, il apprit qu’une troupe d’archers venait de conduire au tribunal plus de vingt corsaires qui devaient être condamnés irrémissiblement à avoir la tête tranchée. Il sut en même temps que parmi ces voleurs il y en avait deux qui étaient de Sou tcheou. À cette nouvelle, remuant doucement la tête : J’ai, dit-il, ce que je cherche, et me voilà en train de réussir dans mon projet.

Le lendemain il prépare un grand repas, et envoie à Siu kung un billet d’invitation. Celui-ci monte aussitôt en chaise, et se rend à la maison de Seou. Grande amitié de part et d’autre. Seou introduit son hôte dans son logis avec un air épanoui, et lui donne la place honorable. Durant le repas ils s’entretinrent agréablement de différents sujets, et burent jusque bien avant dans la nuit. Enfin Seou ayant fait retirer les domestiques, et se trouvant seul avec son convive, tire un paquet de cent taëls, et le lui présente.

Siu kung effrayé de cette offre, dans la crainte qu’on ne lui tendît quelque piège, demanda pour quelle raison il lui faisait un présent si considérable ? J’ai un proche parent appelé Ouang, répondit Seou, qu’on a accusé faussement d’un crime, pour lequel il est détenu en prison dans sa ville. Il implore humblement votre protection, et vous prie de le tirer du péril où il se trouve. Pourrais-je, répliqua Siu kung, vous refuser un service qui dépendrait de moi ? Mais l’affaire dont vous me parlez, n’est pas de mon district ; comment puis-je m’en mêler ?

Rien de plus aisé, reprit Seou, daignez m’écouter un moment. Toute la preuve qu’on apporte pour perdre mon parent, et pour lui attribuer le meurtre de Li y, c’est qu’il était son ennemi déclaré. Comme on n’a pu découvrir le véritable assassin, on a soupçonné mon parent, et sans autre formalité on l’a renfermé dans un cachot. Or je sais qu’hier on conduisit à votre tribunal plus de vingt corsaires, parmi lesquels il y en a deux qui sont de la ville de Sou tcheou, où le meurtre a été commis. Il n’est question que d’engager ces deux voleurs, d’ajouter l’assassinat de Li y aux autres crimes qu’ils avoueront dans leurs dépositions : ils n’en seront pas moins condamnés à avoir la tête coupée ; et un pareil aveu n’augmentera en rien la rigueur de leur supplice. Cet aveu justifiera mon parent, et il vous sera à jamais redevable de la vie que vous lui aurez rendue.

Siu kung goûta cet expédient, et promit de le faire réussir. Aussitôt il prend le paquet d’argent, et après avoir appelé ses domestiques, et fait ses remerciements du festin qu’on venait de lui donner, il monte en chaise, et s’en retourne dans sa maison. Seou ne s’endormit pas durant ce temps-là : il s’informa sous main quels étaient les parents des deux voleurs de Sou tcheou ; et en ayant découvert quelques-uns, il leur fit confidence de son dessein, en leur faisant les plus belles promesses, s’ils pouvaient engager ces deux voleurs à faire un aveu qui ne leur serait d’aucun préjudice : et pour les convaincre qu’il ne leur