Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/404

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui s’était élevée tout à coup, s’éloignait d’un moment à l’autre, elle se rassura ; et après environ un demi-quart d’heure elle s’enhardit, et va voir de quoi il s’agissait.

Après avoir appelé sa belle-sœur deux et trois fois, et toujours inutilement, elle comprit que le marchand s’était mépris, et avait emmené celle qu’il ne cherchait pas ; mais elle appréhenda quelque fâcheux retour, lorsque Liu pao serait instruit de la méprise. Ainsi elle s’enferma dans sa chambre, où elle ramasse les aiguilles de tête, les pendants d’oreilles, et la coiffure noire qui était à terre. Elle songea ensuite à prendre un peu de repos ; mais il ne lui fut pas possible de fermer l’œil durant toute la nuit.

A la pointe du jour elle se lève, se lave le visage ; et comme elle cherchait sa coiffure de deuil pour la prendre, elle entend du bruit qu’on faisait à la porte de la maison : on y frappait rudement, et on criait : Ouvrez donc ! C’était justement Liu pao, dont elle reconnut la voix. Son parti fut bientôt pris : elle le laissa frapper sans répondre. Il jura, il tempêta, il cria jusqu’à s’enrouer. Enfin la dame Ouang s’approcha de la porte, et se tenant derrière sans l’ouvrir : Qui est-ce qui frappe, dit-elle, et qui fait tant de bruit ? Liu pao qui distingua fort bien la voix de sa belle-sœur, fut aussitôt saisi de la plus étrange frayeur, surtout voyant qu’elle refusait d’ouvrir. Il eût recours à un expédient qui lui réussit : Belle sœur, dit-il, bonne et heureuse nouvelle ! Liu tchin mon frère cadet est de retour, et notre frère aîné jouit d’une santé parfaite. Ouvrez vite.

À ces mots du retour de Liu tchin la dame Ouang court prendre la coiffure noire qu’avait laissée la dame Yang ; puis elle ouvre avec empressement ; mais en vain cherche-t-elle des yeux son cher Liu tchin. Elle n’aperçoit que le seul Liu pao. Celui-ci entra d’abord dans sa chambre ; mais n’y voyant pas sa femme, et remarquant d’ailleurs une coiffure noire sur la tête de sa belle-sœur, ses soupçons se renouvelèrent d’une étrange sorte. Enfin il éclate : Hé ! où est donc votre belle-sœur ? dit-il. Vous devez le savoir mieux que moi, répondit la dame Ouang, puisque c’est vous qui avez ménagé cette belle intrigue. Mais dites-moi, répliqua Liu pao, pourquoi ne portez-vous plus la coiffure blanche ? Avez-vous quitté le deuil ? La dame Ouang eût la complaisance de lui raconter l’histoire de ce qui était arrivé pendant son absence.

A peine eut-elle fini de parler, que Liu pao se frappe rudement la poitrine, et s’agite en désespéré : mais peu à peu reprenant ses esprits : j’ai encore une ressource dans mon malheur, dit-il en lui-même. Vendons cette belle-sœur ; de l’argent qui m’en viendra, j’achèterai une autre femme, et personne ne saura que j’ai été assez malheureux pour vendre la mienne. Il avait joué toute la nuit précédente, et avait perdu les trente taëls qu’il avait reçus du marchand de Kiang si, qui était déjà bien loin avec sa nouvelle épouse.

Il se préparait à sortir de la maison, pour aller négocier cette affaire, lorsqu’il aperçut à la porte quatre ou cinq personnes qui se pressaient d’y