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dans ce tribunal, dont je viens de parler ; et c’est à la faveur de ses arrêts, qu’elle est restée la secte dominante.

Les missionnaires qui lisaient leurs arrêts, ont remarqué que les mandarins qui composent ce tribunal, et qui dans le particulier suivaient quelquefois certaines pratiques superstitieuses, lorsqu’ils étaient assemblés en corps pour en délibérer, les condamnaient hautement.

Ce peut bien être aussi par ce moyen que l’idée d’un premier et souverain Être s’est conservée si longtemps à la Chine, telle qu’on la voit dans les livres classiques : et il est certain qu’elle n’a point été défigurée, comme chez les Grecs et les Latins, par les fictions de la poésie. On ne voit point à la Chine pendant plusieurs siècles, ce qu’on a vu chez des nations entières, qui n’ayant de la divinité qu’une idée grossière et imparfaite, en sont venues peu à peu jusqu’à honorer du nom de dieux les héros de leur pays.

Quelque vénération que la nation chinoise ait eue pour ses plus grands empereurs, toujours constante dans son ancien culte, elle ne l’a rendu qu’au premier Être : et quoiqu’elle marquât son estime et son respect pour la mémoire des grands hommes, qui se sont rendus recommandables par leur rang, par leur vertu, et par leurs services, elle aimait mieux se rappeler leur souvenir par des tablettes, que par des statues, ou par des figures ressemblantes. On s’est donc contenté d’une tablette où étaient leurs noms, avec un court éloge, pour tenir là leur place ; de même que quelquefois une semblable tablette tient dans un lieu honorable la place du magistrat, qui a fini, à la satisfaction du peuple, l’exercice de son emploi, et qui passe à un autre gouvernement.

Cependant les troubles qui arrivèrent dans l’empire, les guerres intestines qui le divisèrent, et la corruption des mœurs, qui devint presque générale, n’étaient que trop capables de faire entièrement oublier l’ancienne doctrine. Confucius la fit revivre en donnant un nouveau crédit aux anciens livres, surtout au Chu king, qu’il proposa comme la véritable règle des mœurs.

J’ai déjà parlé de l’estime que s’acquit ce philosophe, qu’on regarde encore à présent comme le docteur de l’empire, et pour les ouvrages duquel on conserve la plus profonde vénération. Cependant ce fut de son temps que s’éleva la secte des Tao sseë.

L’auteur de cette secte ne vint au monde qu’environ cinquante-deux ans avant Confucius. La doctrine superstitieuse que ce nouveau maître enseigna, plût par sa nouveauté ; et quelqu’extravagante qu’elle dût paraître aux esprits raisonnables, elle trouva de l’appui auprès de quelques empereurs, et un grand nombre de sectateurs qui la mirent en crédit.