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des airs d’Europe et de la Chine, et faisait même quelquefois un fort agréable mélange des deux musiques.

On sait, et je l’ai dit ailleurs, que ce qui donna au P. Ricci une entrée favorable à la cour de l’empereur, ce fut une horloge et une montre sonnante, dont il lui fit présent. Ce prince en fut si charmé, qu’il fit bâtir exprès une tour magnifique pour placer l’horloge ; et comme la reine sa mère avait envie de la montre, parce qu’elle sonnait, l’empereur qui ne voulait point s’en défaire, eut recours à une industrie. Il eût soin qu’on la lui montrât sans monter la sonnerie, afin que ne la trouvant pas à son gré, elle la lui renvoyât : ce qu’elle fit en effet.

On ne manqua pas de satisfaire dans la suite le goût de l’empereur. On fit venir d’Europe quantité de ces sortes d’ouvrages. Les princes chrétiens remplis de zèle pour la conversion d’un si grand empire, aidèrent les missionnaires de leurs libéralités, et les cabinets de l’empereur furent bientôt remplis de toutes sortes d’horloges, dont la plupart étaient d’une invention rare, et d’un travail extraordinaire.

Le P. Pereira qui avait un talent singulier pour la musique, fit placer une grande et magnifique horloge au haut de l'église des jésuites. Il avait fait faire quantité de petites cloches, suivant les proportions de l’harmonie, et les avait placées dans une tour destinée à cet usage. Chaque marteau était attaché à un fil de fer qui le faisait lever et tomber sur la cloche en même temps. Au-dedans de la tour il avait mis un grand tambour, sur lequel des airs de la Chine étaient notés avec des petites pointes. Immédiatement avant l’heure le tambour se trouvait dégagé de quelques dents de roue qui le tenaient arrêté et suspendu. Il suivait aussitôt le mouvement d’un grand poids pendu à sa circonférence. Il attrapait avec ses pointes le fil de fer de chaque marteau. Chaque cloche sonnait à son tour, suivant les règles, et l’on entendait distinctement un des plus beaux airs du pays, lequel était suivi de l’heure, que la grosse cloche marquait d’un son plus fort.

Ce spectacle fut également nouveau pour la cour et pour la ville : les grands et les petits y accoururent. L’église, toute grande qu’elle est, ne pouvait contenir la foule prodigieuse des peuples qui allaient et venaient sans cesse : ils se succédaient continuellement les uns aux autres, et quoique la plupart fussent infidèles, on avait la consolation de les voir se prosterner respectueusement devant une image du Sauveur, et lui adresser humblement leurs prières.

Il ne paraissait aucun de ces phénomènes extraordinaires du ciel, tels que sont les parélies, les iris, les couronnes du soleil et de la lune, que l’empereur n’appelât aussitôt les missionnaires dans son palais, pour lui en expliquer les causes. On fit plusieurs livres sur ces merveilles de la nature ; et pour confirmer ces explications d’une manière plus sensible, on fit construire une machine, dont l’artifice représentait ce que la nature faisait voir dans le ciel.

C’était un tambour bien fermé par dehors, et blanchi au dedans. La surface intérieure représentait la surface du ciel : la lumière du soleil y