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à plus forte raison aurais-je le courage de m’approprier en un moment tout ce qu’un pauvre marchand a gagné avec tant de peine ? Peu après, le jeune Leou vit en songe un esprit-homme, qui lui dit : Vous serez récompensé de votre équité : vous vous relèverez de votre pauvreté ; vous vivrez dans l’honneur, et vos descendants encore plus. Il eût un fils qui étudia, et qui fut fait kiu gin assez jeune. Son père eut la consolation de le voir en charge, et vingt-trois de ses descendants ont tenu depuis la même route.


Malheur des possessions injustes.


Dans certaine pièce de poésie, qui a pour titre Le Siècle instruit, on lit entre autres choses ce qui suit : Hélas ! combien de gens aujourd’hui, sous une figure humaine, cachent un cœur plein de venin comme des serpents ! Qui est celui d’entr’eux qui fasse attention que les yeux du Ciel, plus prompts que le mouvement d’une roue, regardent de tous côtés, et qu’on ne peut leur échapper ? Ce que tel vola, il y a quelques mois, à son voisin du côté de l’orient, passe aujourd’hui de chez lui à un autre voisin du côté du nord. En vain quelqu’un se flatterait-il de pouvoir par ses artifices faire fortune aux dépens d’autrui : cette prétendue fortune n’est pas plus durable, que ces fleurs qu’on voit s’ouvrir le matin et tomber le soir. Tout bien mal acquis, dit-on encore, est entre les mains de celui qui l’acquiert, comme serait un flocon de neige.


Charité récompensée.


Dans une année de grande stérilité, Li kong kien, homme à son aise, prêta aux pauvres gens de son voisinage plus de mille charges de grains. L’année suivante ayant été presque aussi stérile que la précédente, on ne fut pas en état de lui rendre ce qu’il avait prêté ; il assembla tous ses débiteurs, et brûla publiquement leurs obligations. La troisième année fut très abondante ; et chacun, malgré son obligation brûlée, s’empressa de lui apporter autant de grains qu’il en avait emprunté ; mais Li kong kien ne voulut rien recevoir. Une autre année que la stérilité fut encore plus grande, chaque jour il faisait cuire une quantité de riz qu’il distribuait aux pauvres, et il en assistait le plus qu’il pouvait. Il en sauva un très grand nombre, et il contribua, selon ses forces, à procurer la sépulture à ceux que la misère fit mourir. Il lui apparut une nuit en songe un homme vêtu de violet, qui lui dit : Le Chang ti connaît vos bonnes œuvres les plus secrètes. Elles ne seront point sans récompense ; et votre postérité s’en sentira. Il vécut jusqu’à l’âge de cent ans, et ses descendants ont été dans l’abondance et dans l’éclat.


Que le crime est puni tôt ou tard.


Quelqu’un d’un endroit obscur et caché, décoche une flèche sur un