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Un seul texte du Chi king fait connaître avec quels sentiments de confiance et de gratitude Tchao vang avait coutume de s’adresser au Chang ti. « Réjouissez-vous, mon peuple, dit-il un jour aux laboureurs, vous n’êtes encore qu’à la fin du printemps, et vous êtes sur le point de recueillir les fruits de l’automne : nos champs nouvellement ensemencés, sont déjà chargés de la plus riche moisson. Grâces soient rendues au Chang ti qui nous met si tôt en état de jouir de ses dons. C’est pourquoi je ne veux pas attendre jusqu’à la fin de l’automne, pour me présenter à lui, et le remercier d’une si prompte fertilité. »

Mo vang son fils imita ses prédécesseurs dès qu’il fut sur le trône. Et comme les peuples n’étaient plus retenus par la crainte de l’Être suprême, de même que sous les règnes de Tching vang, et de son fils, il se regarda comme le ministre de la justice du Chang ti, et il étala aux yeux de ses sujets les supplices, dont leurs crimes devaient être punis, il dit dans le Chu king, qu’il n’est que le ministre du Très Haut, pour défendre l’innocent de l’oppression, et pour empêcher que le fort ne dépouille le faible.

La religion conserva son culte extérieur sous les quatre empereurs suivants, qui furent Kong vang, Ye vang, Hiao vang, et Y vang : mais ces princes dégénérèrent beaucoup de la vertu de leurs ancêtres ; semblables, dit le Chi king, à ces arbres qui conservent encore un beau feuillage, mais qui, faute de culture, ne portent plus de fruits, et commencent à dégénérer de leur espèce. Aussi devinrent-ils des objets de mépris, et le sujet de mille chansons satyriques. L’un d’eux (c’est Hiao vang) avait tant de passion pour ses chevaux, que pour récompenser le chef de son écurie, il l’éleva à la dignité de prince de Tsin : il ne prévoyait pas sans doute qu’un des descendants de ce nouveau prince, fonderait la famille suivante des Tsin, sur la ruine de celle des Tcheou.

Li vang, qui lui succéda, fut un prince détesté à cause de son orgueil et de sa tyrannie. Le silence du Chang ti, dit le Chi king, fut une énigme : on eût dit qu’il était endormi contre sa coutume : tout prospérait à ce prince vicieux, les peuples n’osaient souffler ; les censeurs mêmes de l’empire, obligés par le devoir de leurs charges de lui donner les avis convenables, étaient les premiers à l’entretenir dans ses crimes par de lâches adulations. Quoi donc, s’écrie l’auteur du Chi king, est-ce qu’il n’y a plus de justice au ciel ? L’impie jouirait-il paisiblement du fruit de ses crimes ? Attendez, poursuit-il, et vous verrez bientôt que le Chang ti ne suspend les efforts de son bras tout-puissant, que pour lancer de plus rudes coups.

En effet, les peuples se soulevèrent contre Li vang, ses parents et ses proches furent mis en pièces : le tyran ne se déroba à leur fureur que par la fuite, en s’exilant lui-même. Son fils Suen vang aurait éprouvé le même sort, si le fidèle Tchao kong, colao de l’empire, n’avait substitué son propre fils à sa place, sous le faux nom de Suen vang, et ne l’avait ainsi sacrifié, pour conserver la vie de l’héritier du trône.

Sur quoi le Chi king fait cette réflexion. On a beau s’envelopper de ténèbres,