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un remède admirable. Une seule prise de ce remède peut guérir bien des maladies, et procurer de la santé à celui qui l’emploie pour le reste de sa vie. Oui, ce remède seul a guéri dans tous les siècles une infinité de gens ; et s’il n’a pas été si utile à Leou qu’à tant d’autres, quoiqu’il en ait pris une bonne dose, c’est qu’il lui est venu trop tard.

Quelqu’un dit en lui-même : Attendons, quand j’aurai du superflu, je soulagerai les pauvres. J’ose prononcer que cet homme ne les soulagera jamais.

Un autre dit : Il faut attendre que j’aie un peu plus de loisir, alors je m’appliquerai sérieusement à l’étude de la sagesse. Pour moi, je serai trompé, si cet homme s’y met jamais.

Oui, l’Antiquité nous a laissé pour tous les évenements et pour tous les états des instructions et des modèles. Ainsi la lecture est très utile. Mais il faudrait faire comme Tchin. Ce grand homme pesant avec attention tout ce qu’il lisait : Voici, se disait-il, une bonne règle de conduite pour telle et telle occasion. Voici un beau modèle de telle vertu qui est propre de mon rang. Voici un excellent remède contre tel défaut, dont je ne suis pas tout à fait exempt. Ce qu’on a lu de la sorte, revient au besoin sans beaucoup de travail.

L’empereur Tai tsong s’entretenant un jour avec ses ministres : Je goûte fort, leur disait-il, cette comparaison populaire, suivant laquelle on dit que la vie de l’homme est une fièvre, dans laquelle les grands frissons sont suivis d’ardeurs égales. En effet, que sont nos années ? Ne sont-ce pas comme autant de jours, que le froid et le chaud partagent ? A mesure que ces jours s’écoulent, l’homme s’affaiblit et devient vieux : quelle perte n’est-ce pas de laisser couler tant d’années et de les rendre inutiles ?

Voyez ce bœuf et cet agneau qu’on mène à la boucherie : à chaque pas qu’ils font l’un et l’autre, ils s’approchent de leur fin. Il en est ainsi de l’homme en ce monde : chaque moment de sa vie est un pas qu’il fait vers la mort. Comment n’y faisons-nous pas attention ?

L’empereur demanda un jour à Chou hiang, lequel est le plus durable, ce qui est dur, ou ce qui est mol ? Prince, dit Chou hiang, j’ai quatre-vingts ans ; j’ai perdu plusieurs de mes dents ; je n’ai rien perdu de ma langue.

L’orgueil ou le désir de dominer et de l’emporter, n’est pas plus tôt conçu dans le cœur, qu’il y fait une ouverture, par où, quelque petite qu’elle paraisse, tous les vices y peuvent entrer. L’humilité au contraire, ou la déférence pour autrui, est comme une mer agréable, aussi calme qu’elle est vaste. Point d’épée plus dangereuse à l’homme que sa propre cupidité. Le désintéressement au contraire est un excellent bouclier.

Quand on vogue sur la mer, si le vent est grand, quoique favorable, on ne met pas toutes les voiles ; et certainement c’est sagesse. C’est ainsi qu’il en faut user dans toutes les joies du monde ; surtout avec des amis que vous venez récemment de faire, ne vous ouvrez pas sans réserve.