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mais pour lui rendre cette obéissance, rien de plus efficace que de l’associer au Chang ti : c’est-à-dire, de le représenter comme revêtu de la majesté et de l’autorité du Très Haut.

Tcheou kong frère de Vou vang, reconnut bien cette dépendance absolue, dans laquelle les empereurs, de même que leurs sujets, sont à l’égard du Chang ti. Il aimait tendrement l’empereur son frère ; et le voyant prêt de mourir à la seconde année de son règne, il se prosterna devant la majesté suprême, pour lui demander la guérison d’un prince, dont la vie était si nécessaire à l’État. « C’est vous, seigneur, lui dit-il, qui l’avez placé sur le trône, et qui l’avez établi le père des peuples ; voudriez-vous nous punir par sa perte ? S’il vous faut une victime, agréez ma vie, je vous l’offre en sacrifice, pourvu que vous conserviez mon maître, mon roi, et mon frère. »

Tching vang imita la piété de son père, et porta sur le trône le même respect pour le souverain maître de l’univers. « Quelque élevé que je sois au-dessus du reste des hommes, dit-il dans le Chu king, je ne suis pourtant qu’un des petits sujets du Chang ti : puis-je me dispenser de lui rendre mes hommages ? »

Tcheou kong était son oncle, et avait été son tuteur. L’autorité d’un si sage ministre causa des ombrages : l’envie et la malignité de quelques Grands, montèrent à un tel excès, qu’ils l’obligèrent de se retirer de la cour, et de s’exiler lui-même dans la province de Chan tong. Un affreux orage, qui s’éleva alors peu de temps avant la moisson, ravagea tous les biens de la campagne. Tching vang ne douta pas que le Tien ne fût irrité, et ne vengeât l’innocence opprimée. A l’instant il donna ses ordres pour le rappel de Tcheou kong : il alla même au-devant de lui, pour honorer son retour : mais il s’arrêta sur la route, pour faire sa prière au Chang ti, et lui représenter les besoins des peuples. Presque au même moment, un vent contraire à celui qui avait abattu jusqu’aux plus grands arbres, les redressa, les rétablit dans leur situation naturelle, et la récolte fut abondante.

Il est rapporté encore dans le Chu king, que trois princes du sang, qui s’étaient emparés de la régence durant la minorité de Tching vang, s’étant révoltés, parce qu’on l’avait rendue à Tcheou kong, l’empereur prit les armes pour les réduire, mais qu’auparavant il consulta le Chang ti. Le Tien, dit-il, ne favorise les armes des princes, que lorsqu’ils font la guerre par amour de la paix.

Le même esprit de religion anima le prince Kang vang. Il semblait, dit le Chi king, qu’il n’y avait point d’autre empereur à la Chine, que le Chang ti. La crainte du premier Être suffisait pour contenir les peuples dans le devoir. Il régna tant de bonne foi sous le gouvernement de ce prince, et sous celui de son père, à qui il succéda immédiatement, qu’ils n’avaient pas besoin d’intimider leurs sujets par la terreur des supplices : la prison était la seule peine qu’on imposait aux coupables : on en ouvrait la porte dès le matin : les prisonniers en sortaient pour aller à leur travail ; et ils y rentraient le soir d’eux-mêmes, pour y passer la nuit.