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Te tsong, les eunuques lui rapportèrent que ce prince chaque matin, après s’être rincé la bouche, soufflait de l’eau de tous côtés dans sa chambre pour éloigner les fourmis. A quelques jours de là, Tchin, après une leçon donnée au prince, lui demanda si ce qu’on lui avait dit était véritable ; et supposé que le fait fût vrai, quel motif il avait d’en user ainsi ? Oui, le fait est vrai, répondit le prince ; et c’est par compassion pour ces petits animaux, que j’en use de la sorte : je crains de les écraser. Cela est bon, dit Tchin, soyez le même à l’égard de tous vos sujets. C’est la leçon la plus importante qu’on puisse donner à ceux qui règnent.


Maxime pour le gouvernement.


Lou suen kong dit : Entre les maximes du bon gouvernement, celle-ci est une des principales ; bonté d’abord, ensuite justice. On veut exprimer par là, qu’un prince doit aimer à faire du bien, et ne punir qu’à regret. C’est sur cette importante maxime, qu’est fondée cette ancienne et louable coutume, suivant laquelle les arrêts du prince portant condamnation des criminels, vont dans les provinces assez lentement : au lieu que quand il s’agit d’un arrêt portant amnistie, les journées du courrier sont de cinq-cents lys[1].


Exemple de compassion pour le peuple, donné par un prince.


Gin tsong n’étant encore que prince héritier, vit un jour, en voyageant, nombre d’hommes et de femmes qui ramassaient avec empressement les graines des herbes les plus sauvages. Il s’arrêta, et demanda ce qu’ils voulaient faire de ces graines. Les manger, répondirent-ils : l’année a été mauvaise, nous n’avons pas autre chose. Le prince vivement touché, descend de cheval, entre dans quelques maisons, et les trouve la plupart vides. Le peu qu’il y trouva de gens, avaient de méchants habits tout en pièces. Chez quelques-uns le fourneau était ruiné, et le bassin renversé, n’étant presque plus d’aucun usage. Est-il possible, dit le prince en jetant un grand soupir, est-il possible que la misère du peuple soit si grande, sans que l’empereur en soit instruit ? Il fit sur-le-champ d’abondantes aumônes ; et faisant appeler les vieillards du lieu, après s’être informé avec bonté de leur âge, de leurs infirmités, et de leurs besoins, il leur distribua des mets de sa table.

Sur ces entrefaites arriva Ché, trésorier général de la province de Chan tong, qui venait par honneur au-devant du prince. Comment, lui dit le prince en le voyant, vous autres qui êtes les pasteurs des peuples, n’êtes-vous donc point touchés de leurs misères : J’y suis sensible, dit Ché ; j’ai rendu compte à la cour des endroits où la récolte a manqué, et j’ai prié Sa Majesté de leur relâcher les droits d’automne. Vraiment, dit le prince, ce pauvre peuple est bien en état de payer des droits ! L’empereur les en

  1. Cinquante lieues de Paris.