Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/286

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vermillon. Il en est de même dans la morale. A l’école d’un bon maître, et dans la compagnie d’amis bien choisis, l’on se forme insensiblement au bien, et l’on devient comme eux vertueux et sage.


Vigilance d’une mère sur ses enfants, quoique mariés.


Pao mong fen et son frère Tsu king, furent deux des grands hommes de leur siècle. Aussi leur mère, qui avait perdu son mari fort jeune, les avait-elle élevés avec grand soin, et même avec beaucoup de sévérité. En voici un trait. Ces deux jeunes hommes déjà mariés, et chargés des affaires de leur famille, arrêtèrent un jour à dîner un homme de leur connaissance. La mère, selon sa coutume, s’informa d’un domestique affidé : quel était cet homme que ses fils avaient invité, et de quoi il les avait entretenus pendant la table ? C’est un tel, dit le domestique ; l’on n’a guère parlé d’autre chose que d’une fille, qu’on dit être fort bien faite ; et ce monsieur insinuait à messieurs vos fils, qu’ils pourraient penser l’un ou l’autre à l’acheter pour concubine. La colère saisit à l'instant cette bonne mère : elle appela ses deux fils, et leur fit une verte réprimande : Un tel que vous fréquentez, leur dit-elle, est une langue empoisonnée, qui n’est bon qu’à vous pervertir. Manque-t-on de gens sages et vertueux dans le voisinage ? Pourquoi fréquenter des gens comme celui-là ? Quels discours vous a-t-il tenu pendant la table ? Au lieu de vous entretenir de science et de vertu, vous n’avez parlé que de choses capables de vous corrompre le cœur. Sachez que je ne suis point d’humeur à souffrir que vous entriez dans un si mauvais chemin, sans m’y opposer de toutes mes forces, et aussitôt elle se retira, et fut un mois sans dire un seul mot à ses deux fils. Le cadet fut tellement affligé du silence de sa mère, qu’il venait régulièrement deux fois le jour se prosterner à ses pieds, pour lui demander pardon, et la prier de vouloir bien lui dire une seule parole. L’aîné, quoiqu’un peu moins tendre, fut cependant touché jusqu’à répandre beaucoup de larmes, en conjurant sa mère de lui rendre ses bonnes grâces. Le pardon ne leur fut accordé, qu’après qu’ils eurent promis bien des fois de n’avoir plus de commerce avec l’homme en question, ni avec aucun de ses semblables.


Maximes de morale.


Ho yuen leang dit : Pourquoi ceux qui ont déjà du bien, ou qui sont dans de grands emplois, travaillent-ils jusqu’à la fin de leur vie à amasser de plus grandes richesses ? C’est pour leurs enfants ; cela est clair. Mais ils devraient faire attention à cette sentence de nos anciens, qui parlant des grandes richesses, disent avec beaucoup de vérité, que si c’est un homme vertueux et sage qui les possède, elles lui sont moins utiles, qu’incommodes, parce qu’elles partagent son attention ; et que si elles sont entre les mains d’un homme dénué de sagesse et de vertu, elles lui facilitent le vice.