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Épargne en certaines occasions nuisible à l’État.


Sous la Dynastie Tang, Lieou yen, chargé de faire bâtir des galères, assigna pour chacune une certaine somme d’argent beaucoup au-dessus de la dépense. Quelques gens lui représentèrent qu’en vain doublait-on les frais. Voici ce qu’il leur répondit : Dans le gouvernement d’un grand empire, il ne convient point d’avoir tant d’économie. D’ailleurs quand on entreprend de semblables ouvrages, il faut régler la dépense de manière qu’ils se puissent toujours continuer avec succès, et qu’on en tire l’avantage qu’on s’en promet. Cette manufacture étant une fois établie, combien de gens, outre ceux qui y travaillent, doivent vivre sur ces ouvrages ? Si chacun y trouve son compte, le prince sera bien servi, et il n’est point à craindre que l’entreprise vienne à manquer. Il laissa donc parler, il établit des ateliers pour la construction de ces galères, et mit des inspecteurs pour y avoir l’œil. En peu d’années ils furent à leur aise ; tous y trouvant leur compte, chacun s’y appliqua avec soin. Les ouvriers étant bien payés, les vaisseaux se bâtissaient solidement, et ils subsistèrent en bon état pendant cinquante ans.

Sous un autre empereur de la même dynastie, Tang tou fut chargé de l’intendance des galères. Il régla au juste la dépense qui se devait faire pour chacune, en sorte que les inspecteurs et les entrepreneurs ayant de la peine à retirer leurs frais, les ouvriers étaient à plus forte raison mal payés. Les vaisseaux se bâtissaient mal, et l’on s’en sentit dans les guerres qui s’élevèrent en ce temps-là. Tant il est vrai qu’en certaines occasions, c’est épargner que de ne pas regarder à la dépense, et qu’au contraire on gâte tout, en y regardant de trop près.


Crainte qu’ont les Chinois de mourir sans postérité.


Dans le territoire du Tsang ou, un fils posthume ayant été instruit qu’une famille ennemie de son père l’avait fait périr, s’en vengea par un homicide, pour lequel il fut pris et traîné en prison. Tchin, alors magistrat du lieu, sut que cet homme n’avait point encore d’enfant ; voyant d’ailleurs qu’il devait perdre la vie, pour ne pas laisser éteindre cette famille, il ordonna qu’on mît la femme de cet homme avec son mari dans la prison. Avant la fin de l’année elle eût un fils. Tout le monde loua la bonté du magistrat, qui allait jusqu’à prendre soin de procurer à un criminel la consolation de ne pas mourir sans postérité.


La douceur est quelquefois plus efficace que la force, pour réduire les rebelles.


Dans le district de certaine ville, quelques centaines de familles, placées dans des montagnes inaccessibles, avaient secoué le joug du gouvernement. Plusieurs gouverneurs avaient successivement tenté de les réduire par la force ; mais toujours inutilement. Tsin ayant été fait gouverneur