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meubles, qui leur tombaient sous la main. Si une pareille bizarrerie n’est pas l’effet d’un esprit troublé, c’est du moins l’action d’un barbare nourri dans les forêts : un honnête homme peut-il se livrer à ces transports ? Quand on sent que le feu monte ainsi à la tête, il faut être doublement sur ses gardes ; et il serait bon dans ces sortes de saillies, de rappeler à sa mémoire quelque maxime de nos sages, et de s’y conformer.

Ce qu’un homme avance sur un sujet, est raisonnable, et ce que j’ai pensé, se trouve ne l’être pas ; je lui cède : ce que j’ai pensé est juste, et ce qu’il soutient ne l’est pas ; je le supporte.

Celui qui à chaque instant songe qu’il peut mourir, sera au moment de la mort sa mort exempt de crainte et de trouble. Celui qui à chaque moment ne songe qu’à prolonger sa vie, vivra plus malheureux et plus inquiet.

Un homme de ma connaissance vient à mourir ; il faut, selon la coutume, que j’en témoigne de la douleur ; d’autres suivent mon exemple, et tout le voisinage est en pleurs : pour moi, quand je mourrai, je consens que les autres rient, car je crois que j’en rirais moi-même, me voyant délivré des misères de la vie.

Un pauvre qui vit en honnête homme, sans faire de bassesses, ni se laisser abattre par l’indigence, donne une preuve certaine de la grandeur de son âme. Un riche qui fait un bon usage de ses richesses, et qui n’en est pas l’esclave, fait connaître la supériorité de son génie.

Lorsque dans une chambre à côté de la table, je vois beaucoup de livres, des cartouches remplis de belles sentences et de leçons de morale, je connais la sagesse et les nobles inclinations de celui qui y loge.

L’envie me prend de savoir quel sera mon sort : c’est mon cœur et ses inclinations que je dois consulter : pourquoi aller chercher de ces gens qui tirent l’horoscope, ou qui disent la bonne fortune ? C’est à moi à me la faire.

Conduire sa famille avec un peu de sévérité raisonnable, c’est le moyen d’y maintenir la paix. Dissimuler les fautes de ses voisins, c’est le grand secret pour vivre avec eux de bonne intelligence.





Sur la lecture des livres.


La fin qu’on doit se proposer dans la lecture des livres, c’est de perfectionner sa raison ; quand l’esprit est éclairé, le cœur a un guide sûr : on est en état de démêler le vrai d’avec le faux, et de faire le discernement du bien et du mal. Si l’on se trouve dans des conjonctures délicates et difficiles, on se porte aisément au parti que la raison approuve : si le succès ne répond pas à nos soins, on ne rougit point du parti qu’on a pris.

Il ne s’agit pas de beaucoup lire : mais d’être réglé dans ses lectures, et