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tombez, vous vous faites un ennemi irréconciliable. Convient-il de parler d’intégrité devant une personne qui est connue pour avoir rendu sa probité suspecte ; ou de droiture devant un homme qui passe pour avoir l’esprit faux et dissimulé ?

La raillerie est un vice, que n’évitent guère ceux qui se piquent de bel esprit, ou bien qui par orgueil et par esprit de domination croient avoir sur les autres une supériorité de mérite. Ces gens-là se brouillent d’ordinaire avec leurs meilleurs amis, et jettent le trouble dans les familles les plus tranquilles, par l’indiscrétion de leur mauvaise plaisanterie.

J’ai ouï dire qu’un jeune homme avait acheté une fort belle ceinture : il rencontre un de ses amis : celui-ci ayant considéré cette nouvelle emplette, croit reconnaître l’ouvrage de sa sœur : il demande d’où il a eu cette ceinture. L’autre qui aimait à plaisanter : c’est un présent, dit-il, de Mademoiselle votre sœur. Il ne lui en fallut pas davantage pour lui faire naître des soupçons désavantageux à l’honneur de sa sœur ; et ne doutant point qu’il n’y eût là quelque intrigue, à peine fût-il de retour dans sa maison, qu’il éclata en invectives, et s’abandonna à tous les transports de colère que nulle raison ne pût apaiser. Sa sœur en conçut tant de chagrin qu’elle en mourut. L’on apprit dans la suite que la ceinture avait été dérobée dans la maison par une vieille femme du voisinage, qui l’avait vendue à la première boutique. Ce seul exemple fait connaître quelles sont les suites funestes d’une mauvaise plaisanterie. Le proverbe dit : gardez-vous de débiter des fables en présence d’un homme simple et crédule ; il les prendrait pour des vérités.





Sur les devoirs de la vie privée.


Il n’y a point de mal à cela, pou ouei kouo. Ces trois caractères, combien de fois n’ont-ils pas éteint les lumières de la raison, dans ceux-là même qui se piquaient de droiture ? Il n’y a pas moyen de faire autrement, mo nai ho ; ces trois lettres, combien de brèches n’ont-elles pas faites à la réputation des sages ?

Celui qui fier de son rang et de son pouvoir, ou qui étant enflé de la science, est plein de mépris pour les autres, ressemble fort à un homme, qui placé sur un brillant monceau de glace, s’applaudit de son élévation : lorsqu’il y pense le moins, le soleil darde ses rayons, la glace se fond, et notre homme si satisfait tombe dans un tas de boue.

Vous ne songez qu’à vous avancer : mais faites la réflexion suivante. Ne perdrai-je point d’un côté, pendant que je veux gagner de l’autre ? Creuser à l’est pour remplir un vide qui est à l’ouest, c’est se donner une peine bien inutile.