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apprendraient à parler avec plus de réserve, si leurs yeux venant à se dessiller, apercevaient les esprits qui sont les témoins, et qui deviendront les vengeurs de ces excès.

Un homme simple, un ignorant, parle avec emphase des pagodes, et des pratiques introduites par les fausses sectes : il infatue de ses idées tout un village : laissez-le dire, et contentez-vous de ne le point écouter. Si vous entrepreniez de le désabuser, vous n’y gagneriez que des outrages.

Quand un homme est capable de réflexion, et qu’il lui ait échappé quelque parole indiscrète, contentez-vous de lui faire sentir que vous ne l’approuvez pas. Cela suffit, afin qu’il rentre en lui-même, qu’il se reproche sa faute, et qu’il s’en corrige. Que s’il est homme à n’en pas rougir lorsqu’il y réfléchira, tout ce que vous pourriez lui dire serait inutile.

Certaines façons de parler proverbiales ne sont bonnes que dans la bouche du peuple. Des discours fardés et trop étudiés ne sont propres qu’à ceux qui croient se rendre agréables par leurs minauderies : l’enflure des paroles et les grands mots doivent se réserver pour le théâtre. Si un philosophe donne dans ces défauts, c’en est fait de sa réputation.

Un festin, une partie de divertissement n’est ni le temps, ni le lieu de proposer des questions embarrassantes et subtiles, ni de parler d’érudition, et de faire le savant. Un homme de ce caractère se rend insupportable, et se fait éviter de toutes les personnes sensées.

La raillerie est la maladie des gens vains et superbes, et leur attire infailliblement quelque mauvaise affaire. De même un grand parleur ne manque presque jamais d’ennemis. L’homme sensé parle peu, et écoute beaucoup. Le sage Yen a très bien dit, que quand vous auriez toutes les connaissances imaginables, vous n’en devez pas être moins lent à ouvrir la bouche, et à parler.

Cacher les défauts des autres, et publier leurs vertus, c’est le caractère d’un honnête homme, et le moyen de se rendre aimable à tout le monde.

Si vous êtes dans l’affliction, n’allez pas fatiguer tous ceux que vous voyez, du récit de vos malheurs. Quoique par un air triste et compatissant on semble prendre part à vos peines, le plus souvent l’histoire ennuyeuse que vous en faites, impatiente intérieurement ceux qui vous écoutent : quel avantage trouvez-vous donc à les entretenir de vos disgrâces ? En êtes-vous moins malheureux ? Traiter l’ami en ami, et l’ennemi en ennemi ; maxime d’un homme sans religion. Il n’y a point de gens de bien au monde ; maxime d’un homme sans vertu.

La fierté ne sied à personne ; mais elle révolte et indigne tout le monde, lorsqu’elle se trouve dans un homme qui s’est élevé de la poussière, et qui dans cette élévation oubliant l’obscurité de sa naissance, ne présente à ceux qui l’abordent, qu’une mine et des manières hautaines et impérieuses.

Quand vous êtes tenté de parler des défauts d’autrui, il faudrait auparavant jeter un coup d’œil sur votre propre conduite.

Celui qui n’est pas dans les charges, n’imaginera jamais combien il est