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c’est signe que nous sommes peu propres à lier un commerce délicat et choisi.

C’est une maxime certaine qu’il faut se conformer aux ordres du Ciel. Que je la propose à un homme grave et âgé, la pratique lui en paraît aisée ; mais que je la propose à un jeune homme, il la trouvera difficile : c’est que la jeunesse espère et ose beaucoup : elle est téméraire et entreprenante : elle voudrait, ce semble, l’emporter sur le Ciel même.

Voici une autre maxime : il faut absolument venir à bout de ce qu’on a entrepris. Que je la propose à un jeune homme ; elle est de son goût, et il y entre sans peine ; au lieu qu’un vieillard en est rebuté : c’est que le vieillard sent que ses forces et du corps et de l’esprit diminuent chaque jour. Ainsi son langage le plus ordinaire, c’est qu’il faut attendre et suivre en tout les ordres et la disposition du Ciel. Cependant ces deux maximes ne sont point contraires l’une à l’autre. Il y a des occasions, où l’on doit faire tous les efforts dont on est capable, et d’autres où nous n’avons autre chose à faire, qu’à nous soumettre aux ordres du Ciel.

En toutes choses suivons le goût de la sage antiquité : si on se laisse une fois aller au goût des choses extraordinaires, on ira plus loin qu’on ne pense.

Celui qui a commencé sa fortune par l’étude des lettres, la poussera en suivant la même voie. L’amour des livres ralentit l’amour du plaisir : et quand cette passion est éteinte, les dépenses sont légères, et l’on ne se voit pas réduit à emprunter : par là on s’épargne bien des rebuts : exempt de ces bassesses, on tient son rang, et on se fait considérer.

Tachez de conserver pendant quelque temps votre esprit libre des soins terrestres, et vous en connaîtrez la vanité. Gardez le silence, et vous verrez combien un grand parleur est ridicule. Fermez votre porte, et vous sentirez ce que c’est que le tracas des visites. Réprimez en vous la convoitise, et vous saurez combien de misères elle entraîne après elle.

Les riches et les gens de qualité doivent s’étudier à être généreux et libéraux. Les savants et les lettrés doivent s’appliquer à avoir des manières franches et sincères.

On se plaît à dire que le cœur des hommes est difficile à gouverner ; et l’on ne sent pas que le sien propre est encore plus mal aisé à conduire. On gémit sur ce que le cœur des hommes n’est jamais tranquille ; et l’on ne voit pas que le sien l’est encore moins. Appliquez-vous à vous connaître ; ensuite vous pourrez parler des défauts des autres.

Le sage tremble à la vue d’un ciel serein ; et lorsqu’il tonne, il n’est point effrayé : il craint, quand le chemin où il marche est plein et uni, et il ne craindrait pas, s’il avait à marcher sur les vents et sur les flots.

On est extrêmement délicat sur le point d’honneur : on devrait encore être plus exact à garder les bienséances. On cherche avec empressement de bons remèdes contre les maladies : il serait bien mieux de s’appliquer à conserver la santé dont on jouit. On fait des sociétés pour se secourir mutuellement, et se défendre : la réputation d’homme fidèle et équitable