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de pères, qui ne laissent rien à leurs enfants, ou qui ne leur laissent que des dettes à payer ? Il faudrait donc que les enfants, pour ne pas se désunir par des raisons d’intérêt, se dissent chacun à eux-mêmes : supposons que nos parents ne nous aient point laissé telle terre, telle maison, ou tel autre bien qui est le sujet de nos contestations ; et agissons comme si en effet ils ne nous l’avaient point laissé. Cette réflexion serait capable de prévenir les différends. C’est une bagatelle, dirait-on, que cette dépense faite mal à propos : le point essentiel, c’est de vivre ensemble dans une étroite union.

Une femme de son côté devrait songer que les frères de son mari sont les os des os, et la chair de la chair de son beau-père et de sa belle-mère ; qu’ainsi elle ne saurait avoir pour eux trop d’égard et de considération. Quand même il y aurait raison de se plaindre d’une trop grande dissipation, il faudrait garder certains ménagements, et n’en parler que d’une manière douce et honnête. Éviter de faire de la peine à ceux qui nous en font, c’est le plus sûr moyen de les faire rentrer en eux-mêmes, et de changer leur humeur.





Des devoirs du mari et de la femme.


Quand on traite de mariage, ce qu’il faut principalement considérer, c’est si les humeurs du futur époux et de la future épouse sympathisent ; s’il y a conformité d’inclination et de tempérament, en un mot s’ils semblent faits l’un pour l’autre. Mais c’est à quoi souvent l’on n’a point d’égard : on n’envisage d’ordinaire que de légères convenances : tantôt c’est le rang et les emplois, ou bien d’anciennes liaisons que la proximité entre les deux familles a fait naître : tantôt c’est la société qu’ils ont contractée ensemble, ou bien le même penchant que les pères ont pour les belles-lettres, et pour la philosophie.

La promesse de mariage une fois conclue par un de ces motifs, ces deux familles se traitent comme alliées, et s’entr’aident mutuellement, avant même que la fille passe chez son prétendu époux. L’union paraît très étroite : mais combien durera-t-elle de temps après les noces ? Ses parents qui l’accompagnent, voudraient que les festins et les comédies qui se donnent dans la maison, ne finissent de longtemps : ils diffèrent le plus qu’ils peuvent de s’en retourner chez eux : le long séjour et la dépense produisent le dégoût : on en vient à se plaindre des entremetteurs de l’alliance : on murmure sur la dot, sur les présents des fiançailles.

Est-on de retour chez soi, on repasse tous ces sujets de chagrin ; on les grossit : si l’on se visite dans la suite, il semble qu’on porte dans son sein comme un paquet d’épines. Souvent on passe auprès de la maison sans y entrer ; ou si l’on y entre, on paraît avec un air froid et indifférent ; on ne daigne pas même prendre un peu de thé.