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faut qu’être instruit des premiers éléments de la foi, pour connaître qu’il n’est pas permis d’ériger des temples, ni d’offrir des sacrifices à un philosophe, ou aux ancêtres. Ce doute du P. Moralez ne demandait pas qu’il fît un si long voyage pour en être éclairci.

Le second exposa, que dans ces cérémonies rien n’appartenait à la religion, ni par rapport à leur institution, ni par rapport à l’intention des nouveaux chrétiens qui les pratiquaient ; qu’il n’y avait ni sacrificateur, ni ministre de secte idolâtre ; qu’on n’y voyait que des philosophes et des étudiants, qui venaient reconnaître le docteur de la nation pour leur maître ; que l’endroit où l’on honore les défunts, est une salle, et non pas un temple ; que les Chinois n’attribuent aucune divinité, ni à Confucius, ni aux âmes des morts ; qu’ils ne leur demandent rien, et qu’ils n’espèrent rien d’eux ; et que par conséquent ce n’était pas un culte religieux, mais un culte civil qu’ils rendaient.

Sur cet exposé, la Congrégation donna un décret, qui fut approuvé par Alexandre VII et qui portait, que le retranchement de ces cérémonies politiques pouvant être un obstacle invincible à la conversion d’un grand empire infiniment jaloux de ses usages, il était de la prudence et de la charité de les tolérer.

Ce décret porté à la Chine, y rétablit la tranquillité : elle fut affermie par les conférences que les missionnaires eurent à Canton, où ils se trouvèrent presque tous réunis dans le temps de la persécution générale, qu’on les exila dans cette ville. Ils s’assemblèrent souvent ; et après avoir bien délibéré sur les articles concertés, et approfondi les raisons de part et d’autre, ils convinrent tous, qu’il était nécessaire de permettre ces cérémonies.

Il n’y eût pas jusqu’au P. Navarrete, dominicain, qui se rangea à l’avis commun, et qui en passa sa déclaration. Après quoi les provinciaux de l’ordre de saint Dominique, défendirent à leurs inférieurs, de rien insérer sur ce sujet dans leurs livres, qui fût contraire au sentiment des jésuites. Il est vrai que ce Père changea d’avis, quand il fut retourné en Europe, où il acquit apparemment de nouvelles connaissances qu’il n’avait pas eues à la Chine.

Tout devint tranquille ; et les missionnaires n’ayant plus qu’un même langage, travaillèrent de concert à établir la foi : mais ce calme ne dura que jusque vers la fin de l’année 1684 que messieurs du séminaire des missions étrangères établis à Paris, parurent à la Chine ; où, dès leur arrivée ils eurent fort à se louer des jésuites, qui employèrent plus d’une fois en leur faveur, le crédit qu’ils avaient à la cour. Dès qu’ils commencèrent à bégayer la langue chinoise, qui est, comme l’on sait, de toutes les langues la plus difficile, et la plus étendue, ils jugèrent que le P. Ricci, et les autres missionnaires jésuites, n’avaient pas bien pris le sens des livres classiques ; quoiqu’ils vissent que leurs ouvrages étaient applaudis des plus savants lettrés de la Chine, et qu’ils fussent forcés d’avouer eux-mêmes, qu’une si grande habileté dans la langue chinoise, était le fruit d’une étude très longue et très épineuse,