Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la protection ouverte, dont l’empereur honorait constamment les missionnaires ; le temple du vrai Dieu élevé jusque dans l’enceinte même de son palais ; tout cela donnait lieu d’espérer que la semence évangélique, jetée dans un champ si fertile, allait fructifier au centuple.

Mais les contestations qui s’élevèrent entre les missionnaires, nuisirent peut-être plus à la propagation de la foi, que les persécutions précédentes : une bonne partie d’un temps si précieux, qui devait être consacré à la conversion des infidèles, fut employé par les uns, à attaquer, et par les autres, à se défendre. Je ne toucherai cet article que légèrement, et autant qu’il convient à mon sujet ; parce que le détail de tout ce qui se passa pendant vingt ans que durèrent ces disputes, demande à être traité dans une histoire complète de l’Église de la Chine.

Ces contestations roulaient sur la signification de quelques mots chinois, et sur l’esprit dans lequel se faisaient certaines cérémonies ; les uns disant qu’elles étaient d’institution purement civile, et les autres prétendant qu’elles étaient superstitieuses. Il s’agissait de savoir 1° Si par les mots Tien et Chang ti, les Chinois n’entendent que le ciel matériel, ou s’ils entendent le Seigneur du ciel. 2° Si dans ces usages et dans ces cérémonies, dont les Chinois sont fort entêtés, et qu’ils regardent comme la base de leur gouvernement politique, celles qu’ils observent à l’égard des défunts, ou à l’égard du philosophe Confucius, que les lettrés regardent comme leur maître, sont des observances religieuses, ou civiles ; des sacrifices, ou des usages politiques ?

Il y avait quelques-unes de ces cérémonies, qui ne paraissaient pas exemptes de superstition, dont il était plus aisé de se dispenser, et qui de tout temps avaient été interdites aux néophytes. Mais il y en avait d’autres qui ne paraissaient que comme une marque extérieure de respect, par laquelle on rendait aux parents après leur mort, les mêmes honneurs qu’on leur avait rendus pendant leur vie. C’est ce que pensait le père Ricci, qui est regardé comme l’apôtre de la Chine.

Ce Père, qui avait acquis une parfaite connaissance de la doctrine chinoise, par la longue étude qu’il avait faite de leurs livres, et par le commerce qu’il avait eu avec les plus habiles lettrés, jugea que la pratique de certaines cérémonies pouvait être tolérée ; parce que dans leur première institution, et dans l’intention des Chinois éclairés, desquelles il instruisait soigneusement les néophytes, elles étaient purement civiles. La plupart des jésuites et des autres missionnaires, furent de son sentiment, et s’y conformèrent dans la pratique.

Quelques Pères dominicains furent d’un sentiment contraire à celui des jésuites, des autres missionnaires, et même de leurs confrères. Le P. Moralez, de leur part ; et ensuite de l’autre part le P. Martini, jésuite, se transportèrent à Rome, pour avoir sur cela un règlement, qui rendît la conduite des missionnaires uniforme. Le premier représenta ces cérémonies comme de vrais sacrifices, et les lieux où on les pratiquait, comme de véritables temples. La réponse de la Congrégation fut conforme à l’exposé de ce dominicain. Il ne