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et deux mandarins présidèrent à l’ouvrage. Peu après ayant su que les missionnaires n’avaient point de maisons sans église, il leur accorda un grand terrain vide, qui joignait leur maison ; faisant marquer en termes exprès dans son ordre, qui fut inséré dans les registres du palais, qu’il donnait cet emplacement pour bâtir une église magnifique à l’honneur du souverain Seigneur du ciel.

Non content d’avoir donné ce terrain, il fit distribuer cinquante taëls à chacun des missionnaires, afin qu’ils pussent contribuer à la construction de cet édifice : il fournit une partie des matériaux, et nomma des mandarins pour présider à l’ouvrage.

Quatre années furent employées à bâtir et à orner cette église, une des plus belles et des plus régulières qui soit dans tout l’orient. Comme elle fait triompher la religion jusque dans le palais de l’empereur, il n’est pas hors de propos d’en donner une légère idée.

On entre d’abord dans une avant-cour, large de quarante pieds sur cinquante de long : elle est entre deux corps de logis bien proportionnés ; ce sont deux grandes salles à la chinoise. L’une sert aux congrégations et aux instructions des catéchumènes : l’autre sert à recevoir les visites. On a exposé dans celle-ci les portraits du roi et des princes de France, du roi d’Espagne, etc. et on y trouve ces belles gravures recueillies dans de grands livres, qui font connaître la magnificence de la cour de France, et que les Chinois considèrent avec une extrême curiosité.

Après cette avant-cour vient un grand et large escalier, par lequel on monte dans une grande cour, qui est longue et large de plus de cent pieds, et on y entre par un beau portail. Une grande galerie découverte de dix pieds de large règne tout autour.

C’est au bout de cette cour qu’est bâtie l’église : elle a soixante-quinze pieds de longueur, trente-trois de largeur, et trente de hauteur. L’intérieur de l’église est composé de deux ordres d’architecture : chaque ordre a seize demi-colonnes couvertes d’un vernis vert : les piédestaux de l’ordre inférieur sont de marbre : ceux de l’ordre supérieur sont dorés, aussi bien que les chapiteaux, les filets de la corniche, ceux de la frise et de l’architrave. La frise paraît chargée d’ornements, qui ne sont que peints : les autres membres de tout le couronnement sont vernissés avec des teintes en dégradation selon leurs différentes saillies. L’ordre supérieur est percé de douze grandes fenêtres en forme d’arc, six de chaque côté, qui éclairent parfaitement l’église.

Le plafond est tout à fait peint : il est divisé en trois parties : le milieu représente un dôme tout ouvert d’une riche architecture : ce sont des colonnes de marbre, qui portent un rang d’arcades surmonté d’une belle balustrade. Les colonnes sont elles-mêmes enchâssées dans une autre balustrade d’un beau dessin, avec des vases de fleurs fort bien placés. On voit au-dessus le Père Éternel dans les nues sur un groupe d’anges, et tenant le globe du monde en sa main.

On a beau dire aux Chinois que tout cela est peint sur un plan uni ; ils ne peuvent se persuader que ces colonnes ne soient droites, comme elles le paraissent.