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parmi nous, ils méritent notre amour et notre reconnaissance, par les signalés services qu’ils nous ont rendus dans les guerres civiles et étrangères ; par leur application continuelle à composer des livres utiles et curieux ; par leur droiture et leur sincère affection pour le bien public.

« Outre cela ces Européens sont fort tranquilles, ils n’excitent point de troubles dans nos provinces ; ils ne font mal à personne, ils ne commettent aucune mauvaise action. De plus, leur doctrine n’a rien de commun avec les fausses et dangereuses sectes de l’empire ; de sorte que leurs maximes ne portent point les esprits à la sédition.

« Puis donc que nous n’empêchons ni les lamas de Tartarie, ni les bonzes de la Chine, d’avoir des temples, et d’y offrir de l’encens à leurs pagodes ; beaucoup moins pouvons-nous défendre aux Européens, qui ne font, ni n’enseignent rien contre les bonnes lois, d’avoir aussi leurs églises particulières, et d’y prêcher publiquement leur religion. Certainement ces deux choses seraient tout à fait contraires l'une à l’autre, et nous paraîtrions manifestement nous contredire nous-mêmes.

« Nous jugeons donc que les temples dédiés au Seigneur du Ciel, en quelque endroit qu’ils se trouvent, doivent être conservés, et qu’on peut permettre à tous ceux qui voudront l’honorer, d’entrer dans ses temples, de lui offrir de l’encens, et de lui rendre le culte pratiqué jusqu’ici par les chrétiens, selon leur ancienne coutume. Ainsi que nul n’y puisse dorénavant former aucune opposition.

« Cependant nous attendrons là-dessus les ordres de Votre Majesté ; afin que nous les puissions communiquer aux gouverneurs, et aux vicerois tant de Peking, que des autres villes des provinces. Fait l’an trente-unième du règne de Cang hi, le troisième jour du second mois de la lune. Signé, le président du souverain tribunal des rits avec ses assesseurs. Et plus bas, les quatre ministres d’État, nommés colao, avec leurs officiers généraux, et autres mandarins du premier ordre. »

L’empereur ne pût contenir sa joie en recevant cet arrêt ; il le confirma sur l’heure le vingt-deuxième de mars de l’année 1692, et peu après il le fit publier dans tout l’empire. Le souverain tribunal des rits l’adressa ensuite aux principaux officiers des provinces ; et voici en quels termes il s’exprimait.

« Vous donc, vicerois des provinces, recevez avec un très profond respect cet édit impérial ; et dès qu’il sera entre vos mains, lisez-le attentivement ; estimez-le, et ne manquez pas de l’exécuter ponctuellement, selon l’exemple que nous vous en avons donné. De plus, faites-en faire des copies, pour le répandre dans tous les lieux de votre gouvernement, et nous donnez avis de ce que vous aurez fait en ce point. »

Un édit si honorable à la religion, la tira de l’esclavage où elle gémissait depuis plus d’un siècle, et la fit triompher, dans tous les lieux,