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les Grands, qui en avaient été destitués pour l’avoir suivie : les missionnaires furent rappelés de leur exil, avec permission de retourner dans leurs églises : la mémoire du P. Adam fut réhabilitée de la manière la plus honorable : on dressa des actes publics, où, après avoir justifié son innocence, et loué les services importants qu’il avait rendus à l’État, on le rétablissait dans sa charge et dans ses titres d’honneur, et l’on anoblissait ses ancêtres.

L’empereur, non content de ces éloges, assigna un champ spacieux pour sa sépulture, qui joignait celui qu’on avait accordé au P. Ricci, contribua aux frais de ses funérailles, et envoya des officiers de sa cour, et des mandarins pour y assister de sa part. C’est ainsi que ce Père triompha après sa mort, de la malignité et des artifices de ses ennemis.

Ce fut en l’année 1671 que les missionnaires furent rétablis dans leurs églises. Il est vrai que l’édit de leur rétablissement renfermait une clause fâcheuse, par laquelle il était défendu à tous les sujets de l’empire d’embrasser désormais la loi chrétienne. Mais l’on vit bien que cette clause n’avait été insérée que par complaisance, pour ne pas effaroucher la cour souveraine des rits, qui a toujours été très opposée au christianisme : et l’on comptait beaucoup sur la protection d’un prince, que le père Verbiest rendait chaque jour plus affectionné à la religion.

Dès cette année plus de vingt mille Chinois se convertirent sans nul obstacle, et reçurent le baptême. L’année suivante un oncle maternel de l’empereur, et un des huit généraux perpétuels, qui commandent la milice tartare, furent pareillement baptisés ; et depuis ce temps-là l’Évangile fit de semblables progrès dans toutes les provinces de l’empire.

Le père Verbiest, qui était l’âme de toutes ces entreprises pour la gloire de Dieu, et pour l’avancement de la foi, entrait de plus en plus dans les bonnes grâces de l’empereur. Ce jeune prince, d’un esprit curieux, et d’un goût singulier pour les sciences, l’appela au palais, afin qu’il lui apprît les éléments d’Euclide : il employa ensuite deux ans entiers à recevoir ses leçons de philosophie ; et pour cela il le retenait trois ou quatre heures dans un cabinet, où le plus souvent ils s’entretenaient seuls, et sans témoins.

Le Père, en cultivant l’esprit du monarque, songeait encore plus à former son cœur à la vertu, et à lui faire goûter la science du salut. Il commença par le désabuser entièrement des fables et des superstitions païennes : et peu à peu ménageant les moments favorables, et secondant l’avidité qu’il avait de tout savoir, il l’instruisit des vérités, qui sont l’objet de la foi chrétienne : il lui en expliqua les mystères les plus sublimes ; et il lui en fit connaître la sainteté et la nécessité.

Le prince en était si rempli, qu’un jour on lui entendit dire qu’insensiblement le christianisme détruirait toutes les sectes de son empire. Mais il ne se déclarait point et il se contentait de protéger une religion, dont il admirait la pureté et l’excellence. Un mandarin publia alors un livre, où il mettait la religion chrétienne au nombre des fausses sectes. Le Père présenta une requête à l’empereur, pour lui demander réparation de