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Vou kong, roi de Lou, étant allé rendre ses hommages à l’empereur Suen vang, se fit accompagner de son fils aîné, nommé Ko, et de son second fils nommé Hi. Suen vang ne goûtait point l’aîné des deux frères, et trouvait au contraire le cadet fort à son gré, de sorte qu’il déclara que le cadet succèderait au roi son père. En effet, quand Vou kong mourut, Hi monta sur le trône, et régna sous le nom de Y kong. Il eut un fils qui fut aussi roi dans la suite, sous le nom de Hiao kong, mais qui dans son enfance fut nommé Tching. Cet enfant étant encore au berceau, Pé yu fils de Kia, forma un parti dans le royaume, tua son oncle Y kong qui régnait, se fit lui-même proclamer roi par son parti, et fit faire irruption dans le palais, pour se défaire du petit Tching.

Au premier bruit de l’irruption, la gouvernante du petit prince le dépouilla de ses habits, en revêtit son propre enfant, et le coucha dans le berceau royal. Les gens de Pé yu tuèrent cet enfant et persuadés que c’était le prince Tching, négligèrent assez le reste ; de sorte que la gouvernante se sauva tenant le petit prince entre ses bras. A peine était-elle hors du palais, qu’elle rencontra un des grands seigneurs du royaume, oncle maternel du prince. Gouvernante, lui dit ce seigneur à l’écart, mon neveu Tching est-il mort ? Non, Monsieur, le voici, répondit-elle, j’ai mis mon fils dans le berceau du prince : on a égorgé l’un pour l’autre. Ce Seigneur donna moyen à la gouvernante de fuir sûrement avec le prince. Il demeura onze ans caché, au bout desquels tous les Grands de Lou s’adressèrent d’un commun accord à l’empereur qui régnait alors, pour lui demander la mort de Pé yu et l’élévation du jeune prince sur le trône de son père. L’empereur y consentit. Tching fut reconnu roi de Lou. En célébrant son avènement au trône, on n’oublia pas sa gouvernante, qui aux dépens de son propre sang, lui avait sauvé la vie.


Tching vang, roi de Tsou venant de monter sur le trône, se plaça sur une éminence, pour voir passer toutes les femmes, destinées à loger dans son palais. Chacune levait les yeux, les unes plus hardiment, les autres moins, pour voir en passant le prince. Une seule nommée Tse vou tint toujours les yeux baissés, et passa modestement, sans donner le moindre signe de curiosité ou d’inquiétude. Tching vang frappé de cette modestie, et voulant se divertir, jeune beauté qui passez, dit-il, une œillade, je vous en prie. Tse vou ne fit pas semblant d’entendre, et marcha son pas à l’ordinaire, tenant toujours les yeux baissés. Tching vang n’en demeura pas là : une œillade, ajouta-t-il, et je vous ferai mon épouse. Tse vou n’en leva pas plus les yeux. Le prince ajouta qu’il lui donnerait telle somme d’argent, et qu’il élèverait sa famille. Ces promesses ne la touchèrent point. Tching vang enfin descendit de cette éminence pour s’approcher d’elle, et lui parler plus commodément. Quoi ! lui dit-il, je vous offre le rang de reine, j’y ajoute encore d’autres promesses, pour vous engager à me regarder en passant ; vous vous obstinez à n’en rien faire ? estimez-vous donc si fort un de vos regards ?

Grand prince, répondit gravement Tse vou, la pudeur et la modestie