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Kong ching tse pi, du royaume de Lou, venant d’enterrer son frère aîné, fut touché et même fatigué des lamentations de sa belle-sœur ; s’étant présenté à la porte de l’appartement où était la veuve, dans le dessein de la consoler, son compliment fut, qu’elle devait modérer sa douleur, et qu’il aurait soin de la bien remarier. Cependant il laissa passer plusieurs années, sans même y penser. Le roi de Sou lui ayant fait offrir l’emploi de ministre, il demanda à sa belle-sœur, s’il devait l’accepter ou non. Non répondit-elle, ne l’acceptez point. Mais encore pourquoi, demanda Tse pi ? Pourquoi, lui dit-elle ? Mon mari étant à peine enterré, vous vîntes me dire, comme pour me consoler, que vous me remarieriez : ce fut un contretemps ridicule, et une faute énorme contre les rits. Mon deuil est fini depuis bien des années, et vous ne m’avez jamais dit, ni fait dire un mot, pour me sonder sur ma disposition présente. Le procédé n’est pas d’un homme éclairé. Celui qui est capable de ces sortes de fautes, peut-il soutenir avec honneur l’emploi de ministre ? Pour moi, il me paraît que non.

Si vous souhaitiez vous remarier, reprit Tse pi, que ne me le disiez-vous. Une femme ne doit jamais faire ces sortes d’avances, répondit la veuve ; c’est à ceux de qui elle dépend, d’y penser pour elle. Au reste, ce que j’en dis, ce n’est pas que j’aie jamais eu la moindre envie d’en venir à de nouvelles noces ; j’en ai toujours été fort éloignée. Ce n’est que pour vous faire sentir combien vous êtes peu capable de l’emploi qu’on vous présente. Celui qui voudrait à yeux clos juger des couleurs, se tromperait sans doute. N’est-il pas vrai ? Or je prétends tout de même, qu’un homme comme vous, qui n’entend rien aux affaires du monde les plus communes, s’il se fait ministre d’État, ne peut manquer d’attirer sur soi les malédictions des hommes, et les châtiments de Tien. Prenez-y garde, et croyez-moi, ne vous engagez point.

Tse pi ne crut point sa belle-sœur, qu’il n’avait écoutée que par manière d’entretien. Il accepta l’emploi de ministre, et l’année ne se passa pas, qu’il mourut dans les supplices. Il rendit justice en mourant, au zèle et à la sagesse de sa belle-sœur, dont il avait pris le conseil pour une vengeance de femme.


Ngai vang roi de Ouei voyant son fils le prince héritier en âge d’avoir des enfants, fit chercher des filles qui pussent être élevées au rang de ses épouses. Parmi celles qu’on amena, il s’en trouva une qui donna dans la vue de Ngai vang. Il envoya les autres au palais du prince héritier, et fit entrer celle-là dans le sien. Yu eul, seigneur de la cour, raconta le fait à sa mère. Cela n’est pas possible, s’écria-t-elle, c’est un étrange désordre ; vous deviez vous y opposer fortement. Hélas ! le royaume a des ennemis puissants, et n’a pas des forces égales aux leurs. Une parfaite vertu pouvait suppléer au peu de forces, elle l’a fait souvent. Mais le roi n’ayant ni vertu, ni force, que va devenir l’État ? Il ne voit pas le pauvre prince, car il n’a pas beaucoup de lumières, il ne voit pas le tort qu’il se fait. C’est à vous et à vos collègues de le lui bien faire sentir. L’intérêt de vos familles étant joint au bien commun de l’État, vous avez une double obligation de