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entendrez de l’intérieur de votre appartement ce qui se dira, et vous vous désabuserez enfin par vous-même. Volontiers, dit la femme, j’y consens. Le jour fut assigné pour cela. Il y eut une longue conférence, qui fut suivie d’un plus long repas. Pé tsong plein de succès à son ordinaire, n’eut pas plus tôt reconduit la compagnie, qu’il alla trouver sa femme pour lui demander ce qu’elle en pensait. La femme sentit la disposition de son mari : elle conçut qu’il était fort inutile de le détromper. Elle prit donc le parti de dissimuler: et faisant semblant de se rendre, je vois bien qu’en effet, dit-elle, vos collègues vous estiment et vous cèdent le pas avec plaisir. Cependant comme elle demeurait très persuadée, que son mari avait tout à craindre des ennemis qu’il s’était faits, elle prit un autre tour pour l’engager, sans qu’il s’en aperçût, à se soustraire à leur vengeance, et profita pour cela de la bonne disposition où elle avait mis le mari, en paraissant être de son sentiment.

Ces louanges après tout qu’on vous donne, ajouta-t-elle, quelque sincères qu’elles puissent être, ne doivent pas vous aveugler sur l’état présent des choses. Le royaume est menacé des plus grands troubles ; prenez vos mesures pour n’y pas périr. Vous n’ignorez pas que la division est dans la maison royale, et qu’elle ne fait que croître tous les jours. Dans de semblables conjonctures, le plus sûr serait de nous retirer ailleurs sans bruit : mais cela n’est pas possible tandis que vous êtes en charge. Ainsi, quelque grosse que paraisse la tempête qui nous menace, il faut l’attendre avec courage[1], mais il ne faut pas s’endormir. La division est si grande entre nos princes, que le plus méchant parti qu’on puisse prendre, c’est celui de n’en embrasser aucun. Tcheou li est un prince d’un grand mérite : ou bien il aura le dessus, ou du moins il trouvera quelque ressource. Pour moi, si j’en étais crue, vous lieriez avec ceux qui sont à la tête de son parti et vous vous attacheriez à lui.

Pé tsong y ayant rêvé quelque temps : vous avez raison, dit-il à sa femme. En conséquence il s’unit étroitement avec Pi yang, chef du parti de Tcheou li. Dans le même temps que les ennemis de Pé tsong l’allaient perdre par une calomnie, qui lui devait faire couper la tête, la division de la maison royale éclata. Pi yang conduisit Tcheou li hors du royaume et Pé tsong se joignant à eux, évita le coup qu’on était sur le point de lui porter, sans qu’il le sut. Ceux qui furent instruits de cette conduite louèrent la sagesse et la prévoyance de la femme de Pé tsong.


Ling kong, roi de Ouei, s’entretenant un soir avec la reine jusque bien avant dans la nuit, ils entendirent un grand bruit de chevaux et de chariots, qui venaient du côte de l’orient. Quand ce train fut près du palais, le bruit cessa tout à coup, et quelque temps après il recommença, mais à l’occident. — Qui vient de passer là ? demanda le roi, comme par manière

  1. Elle jugeait que ce prince sortirait du royaume, comme il le fit en effet, et que son mari le suivant, serait à couvert de la vengeance des ennemis qu’il s’était faits.