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empressement son mari, et lui dit : Ce prince fugitif est si jeune, qu’à le voir, on ne pourrait pas juger de ce qu’il sera un jour : mais tous ceux qui l’accompagnent, sont gens d’élite. Il y en a surtout trois qui me paraissent avoir un rare mérite. Ce sont apparemment des Grands du royaume : je suis fort trompée si ces gens-là ne trouvent moyen de rétablir ce prince en ses États : s’il monte jamais sur le trône, sans doute qu’il se souviendra des bons ou mauvais traitements qu’il aura reçus dans la retraite. Notre prince qui le traite si cavalièrement, sera le premier qui éprouvera son ressentiment : en ce cas là vous auriez part à la disgrâce. Un de nos proverbes vulgaires, dit : Si vous voulez savoir quel sera le fils, voyez son père, ou celui qui tient sa place. Un autre proverbe, dit encore, qu’on peut connaître un Grand sans le voir, en voyant les gens de sa suite. Or à en juger sur ces règles, ce prince aujourd’hui fugitif deviendra un puissant roi, et sera en état de se venger des affronts qu’il aura reçus. Croyez-moi, faites-lui civilité.

Fou crut sa femme et n’ayant pas le temps de préparer autre chose, il lui fit présent d’excellent vin et pour grossir le présent, il ajusta sur le vase un diamant de prix. Tchong eul reçut le vin, et fit rendre le diamant. Il fut ensuite rétabli sur le trône de son père et sa première entreprise fut d’aller ravager Tsao, pour se venger du peu d’égard que le prince de ce pays-là avait eu pour sa personne. Mais il eut soin de donner à Fou ki une sauvegarde. Défense fut faite à quiconque, non seulement d’entrer chez lui pour y faire aucune insulte, mais même de passer les barrières de son enclos. Chacun s’empressa de mener dans sa maison l’un son père, l’autre sa mère et tous ceux qui s’y réfugièrent, y furent en sûreté. On observa si exactement ce que le roi de Tsin avait ordonné en faveur de Fou ki, qu’à la porte il y avait un marché public, où l’on vendait et l’on achetait tranquillement, comme en temps de paix. Fou ki fit honneur à sa femme du bon conseil qu’elle lui avait donné, et elle en reçut de grands éloges.


Chou ngao encore enfant rencontra un jour en se promenant un serpent à deux têtes : il le tua, et l’enterra. De retour à la maison, il va trouver sa mère en pleurant. De quoi pleurez-vous, mon fils, dit la mère ? C’est, dit l’enfant, que j’ai ouï dire, que quiconque voit un serpent à deux têtes, en meurt : j’en ai trouvé un aujourd’hui en me promenant. Qu’est devenu ce serpent, demanda la mère ? — Je l’ai tué, répondit l’enfant ; et de peur que quelque autre n’eût aussi le malheur de le voir, je l’ai enterré. Ne pleurez point, mon fils, dit alors la mère : la vue de ce serpent ne vous fera point mourir : le motif qui vous la fait enterrer vaincra ce qu’il avait de qualités malignes. Il n’y a point de malheur, dont la charité ne mette à couvert. Tien, tout élevé qu’il est au-dessus de nous, voit et entend tout ce qui se passe ici-bas. Le Chu king ne dit-il pas : Hoang tien protège la vertu où elle se trouve, sans acception de personnes ? Ne pleurez point, mon fils, soyez en repos ; vous vivrez, et vous serez grand dans l’État. En effet Chou ngao devint dans la suite un des premiers officiers de