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qui a fait une semblable perte, doit aussitôt se dépouiller de sa charge, et donner par là une marque publique de sa douleur.

En second lieu, ceux qui n’ayant pas eu assez de capacité pour parvenir aux degrés littéraires, se sont procurés par la faveur ou par des présents, certains titres d’honneur, à l’aide desquels ils entretiennent avec les mandarins un commerce de visites qui les fait craindre et respecter du peuple.

En troisième lieu une infinité de gens d’étude, qui depuis l’âge de 15 à 16 ans, jusqu’à celui de 40 viennent tous les trois ans pour les examens au tribunal du gouverneur, qui leur donne le sujet de leur composition. C’est bien plus l’ambition, que le désir de se rendre habiles, qui les soutient dans une longue étude. Outre que le degré de bachelier, quand ils y sont une fois parvenus, les met à couvert des châtiments du mandarin public, il leur donne le privilège d’être admis à son audience, de s’asseoir en sa présence, et de manger avec lui : honneur qui est infiniment estimé à la Chine, et qui ne s’accorde presque jamais à aucune personne du peuple.


Famille la plus noble du monde.

La famille qui passe aujourd’hui pour la plus noble de la Chine, et qu’on peut regarder comme la plus noble du monde, si l’on a égard à son ancienneté, est la famille des descendants de Confucius, ce célèbre philosophe que les Chinois ont en si grande vénération. Il n’y a proprement que la noblesse de cette famille qui soit héréditaire, et qui se conserve en ligne directe depuis plus de deux mille ans, dans la personne d’un de ses neveux, qu’on appelle pour cela Ching gin ti chi ell, c’est-à-dire, le neveu du grand homme, ou du sage par excellence : car c’est ainsi que les Chinois appellent le restaurateur de leur philosophie morale ; et en considération de cette origine, tous les empereurs ont constamment honoré un des descendants du philosophe, de la dignité de cong, qui répond assez à celle de nos ducs ou de nos anciens comtes.

C’est avec les honneurs dûs à ce rang, que celui qui vit encore aujourd’hui, marche dans les rues de Peking, lorsqu’il s’y rend tous les ans de Kio seou, ville de la province de Chan tong qui est le lieu de la naissance de son illustre aïeul ; de plus c’est toujours un lettré de cette famille que l’empereur nomme gouverneur de la susdite ville de Kio seou.


Des marques de noblesse.

L’une des principales marques de noblesse, est d’avoir reçu de l’empereur des titres d’honneur qu’on ne donne qu’aux personnes d’un mérite éclatant. Le prince les donne quelquefois pour cinq, six, huit ou dix générations, selon les services plus ou moins grands qu’on a rendu à l’État. C’est de ces titres honorables, que les mandarins se qualifient dans leurs lettres, et sur le frontispice de leurs maisons.

En Europe la noblesse passe des pères aux enfants et à leur postérité : mais quelquefois à la Chine elle passe des enfants au père et aux aïeux. Quand quelqu’un s’est distingué par un mérite extraordinaire, l’empereur ne se contente pas de l’élever aux honneurs dont je viens de parler ; mais par autant de patentes, il étend ces titres au père et à la mère, à l’aïeul et à l’aïeule de celui qu’il a honoré ; ou pour mieux dire, il donne à chacun