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pour son maître, et plus exact à remplir ses devoirs. Yen tse fut frappé de ce changement. Il lui demanda qui l’avait ainsi converti ? Le domestique répondit que c’était sa femme, et lui raconta le moyen qu’elle avait pris. Yen tse loua la sagesse de la femme, et la docilité du mari. Il fit cas d’un homme capable de prendre si promptement une résolution ferme et constante. Il lui donna un emploi : et comme il s’en acquitta fort bien, il l’avança et en fit enfin un grand officier.


Tsie yu était un homme du royaume de Tsou, qui vivait du travail de ses mains, mais qui sous un extérieur simple et pauvre, cachait une haute sagesse. Le roi qui faisait cas de la vertu, et qui connaissait celle de son sujet, voulut l’employer. Il lui envoya un homme exprès, et deux chariots chargés de présents, avec ordre de lui dire que le roi le priait d’accepter avec ces présents, le gouvernement et l’intendance générale de cette partie de ses États, qui était au midi du fleuve Hoai. Tsie yu sourit à ce compliment, mais sans répondre un seul mot ; et l’envoyé fut obligé de s’en retourner avec les présents, sans avoir eu d’autre réponse.

La femme de Tsie yu, qui était alors absente, remarqua en retournant à sa maison, des vestiges de chariots, qui ne passaient pas plus loin que sa porte. Quoi, mon mari, dit-elle en entrant, vous oubliez-vous de cette vertu et de ce désintéressement, qui ont fait jusqu’ici vos délices ? Il est venu des chariots à notre porte, et ils n’ont point passé outre. Ils étaient chargés sans doute ; car ils ont laissé de profonds vestiges. Qu’est-ce que cela, je vous prie ? C’est le roi, dit Tsie yu, qui me connaît mal, et qui croit que je vaux quelque chose. Il veut me charger du gouvernement d’une partie de ses États. Il a envoyé un homme exprès avec deux chariots chargés de présents, pour m’inviter à prendre cet emploi. Il fallait tout refuser, reprit la femme, présents et charge.

Tsie yu voulant voir si c’était sincèrement que parlait sa femme : Nous agissons tous, répondit-il, avec une inclination naturelle pour l’honneur et pour le bien. Pourquoi ne pas les accepter quand ils viennent ? Pourquoi trouvez-vous à redire que j’aie été sensible aux bienfaits du roi. Hélas ! répondit la femme toute affligée, la justice, la droiture, l’innocence, en un mot la vertu est bien plus en sûreté dans une vie retirée, et dans une honnête pauvreté, que dans l’embarras des affaires, et dans l’opulence. Était-il de la sagesse de faire un si dangereux échange ? Nous sommes ensemble il y a longtemps. Jusqu’ici votre travail nous a fourni de quoi vivre, et le mien de quoi nous vêtir : nous n’avons souffert ni faim, ni froid. Quoi de plus charmant qu’une pareille vie également innocente et tranquille ? Ne deviez-vous pas vous y tenir ? Peut-être n’avez-vous pas fait attention à la dépendance et à la servitude que traînent après eux ces présents et ces emplois : ils ôtent à l’homme une partie de la liberté, par rapport à la vertu. Ils engagent à des égards, qu’il est souvent difficile d’accorder avec une parfaite droiture et une exacte équité.

Alors Tsie yu content de sa femme : Consolez-vous, lui dit-il, je n’ai accepté ni présent, ni emploi. Je vous en félicite, dit la femme mais il reste